Entre Donald Trump et l'Europe, ça n'a jamais été l'idylle. Seulement, cette distance s'est entre-temps transformée en véritable aversion. La colère de l'administration Trump, qui s'illustrait jusqu'à présent par des discours haineux et des menaces de droits de douane, a éclaté au grand jour après la publication par «The Atlantic» de conversations secrètes entre hauts dirigeants sur la plateforme Signal. Trump et son entourage traitent les Européens de «profiteurs» et de «parasites». Pourquoi détestent-ils autant l'Europe?
Historiquement, les Etats-Unis et l'Europe ont toujours eu de bonnes relations. Le président Joe Biden, qui a quitté ses fonctions en début d'année, saluait à l'automne 2024 «l'excellente» coopération transatlantique. Il considérait même l'Allemagne comme «principale alliée» des Etats-Unis. Mais sous Donald Trump, cette amitié s'est définitivement brisée.
Des profiteurs: Dans la conversation Signal, le vice-président américain J. D. Vance s'était opposé à une frappe contre les rebelles Houthis au Yémen. Motif invoqué: l'attaque profiterait davantage aux Européens qu'aux Américains. J.D. Vance écrivait: «Je déteste tout simplement devoir sauver l'Europe une fois de plus.»
Des parasites: Le ministre de la Défense Pete Hegseth abonde dans le même sens. «Je partage entièrement votre haine du parasitisme européen. C'est pathétique», répondait-il à J.D. Vance. Trump en personne a tenu des propos violents: «Oui, je pense qu'ils étaient des parasites. L'Union européenne (UE) a été absolument horrible avec nous dans le commerce, horrible.»
Des ingrats: Il y a quelques jours, la porte-parole de Trump, Karoline Leavitt, avait également critiqué la France. Elle avait répondu que la France devrait être «très reconnaissante» envers son «grand pays», après qu'un politicien français l'a questionnée sur la restitution de la statue de la Liberté. Et elle a ajouté, en faisant allusion à la Seconde Guerre mondiale: «Si les Français ne parlent pas allemand aujourd'hui, c'est uniquement grâce aux Etats-Unis.»
Une hostilité pas nouvelle
L'animosité envers l'Europe sommeillait déjà dans les cercles républicains avant l'entrée en fonction de Donald Trump. On critique depuis des années le fait que l'Europe profite des forces armées américaines comme garantie de sécurité, sans investir suffisamment dans sa propre défense.
On critique aussi son manque d'initiative. «Dans les milieux conservateurs, l'Europe est souvent perçue comme ramollie, étatiste et excessivement réglementée. C'est une opposition directe à l'idéal américain, d'un point de vue conservateur, qui prône le citoyen indépendant et responsable», explique à Blick Philipp Adorf, spécialiste des Etats-Unis à l'Université de Bonn.
Déjà sous le président Barack Obama, ces cercles conservateurs auraient mis en garde avec véhémence contre le fait que le «socialisme européen» risquait de se répandre dans le pays. Selon Philipp Adorf, cette haine ne va pas s'apaiser de si tôt. Au contraire. «Comme l'Union européenne cible délibérément les régions républicaines avec sa politique douanière, Trump pourrait utiliser cette situation à son avantage, en attisant de manière ciblée le ressentiment existant dans le camp républicain contre l'Europe.»
La Suisse relativement épargnée
Selon l'expert, l'Europe ne doit pas non plus se faire d'illusions, même si un nouveau gouvernement arrive au pouvoir. L'accent stratégique des Etats-Unis se déplacerait de plus en plus vers la région Asie-Pacifique. «L'Europe ne devrait pas espérer un changement de cap après le mandat de Trump, mais devrait investir davantage son énergie dans le développement de la coopération et de l'autonomie intra-européennes», estime Philipp Adorf.
Il précise toutefois que lorsque Trump évoque l'Europe, il fait surtout référence à l'UE. Car en raison de sa neutralité, la Suisse reste largement épargnée par les reproches. Et d'ajouter: «Aux Etats-Unis, la Suisse est plutôt perçue comme un pays prospère, neutre et pittoresque, qui ne représente pas une menace pour les intérêts américains.»