Soupçons de financement libyen
Premières escarmouches à l'ouverture du procès de Sarkozy

Le procès de Nicolas Sarkozy s'est ouvert lundi à Paris dans une ambiance tendue. L'ancien président français et trois ex-ministres sont accusés de financement illégal de sa campagne 2007 par la Libye de Kadhafi.
Publié: 06.01.2025 à 20:51 heures
Nicolas Sarkozy est entré dans la salle d'audience en début d'après-midi
Photo: Anadolu via Getty Images
Post carré.png
AFP Agence France-Presse

Le cinquième procès en cinq ans de l'ancien président français Nicolas Sarkozy s'est ouvert lundi à Paris avec des premières tensions: il doit répondre cette fois, aux côtés de trois anciens ministres, d'accusations de financement illégal de sa campagne de 2007 par la Libye de Mouammar Kadhafi. Vêtu d'un costume bleu marine, l'ex-chef de l'Etat (2007-2012) est entré dans la salle d'audience en début d'après-midi, en passant devant un mur de caméras sans faire de déclaration.

Parmi les 11 autres prévenus, figurent les ex-ministres Brice Hortefeux, Claude Guéant et Eric Woerth, ainsi que Thierry Gaubert, un proche de Nicolas Sarkozy, et l'intermédiaire Alexandre Djouhri. Quatre sont absents: deux hommes d'affaires saoudiens, le Libyen Béchir Saleh (ex-bras droit de Kadhafi) et le sulfureux intermédiaire libanais Ziad Takieddine, tous deux visés par un mandat d'arrêt. En fuite au Liban depuis 2020, ce dernier a prétendu que «personne» ne l'avait «convoqué» pour cette audience.

La vaste salle d'audience, où l'affaire doit être examinée pendant quatre mois, était pleine à craquer. L'air grave, l'ancien chef d'Etat s'est avancé vers la barre dans son costume bleu marine, a croisé ses mains devant lui, avant de donner au tribunal sa date et lieu de naissance, le nom de ses parents. Profession?, lui demande la présidente Nathalie Gavarino. «Avocat». Situation familiale? «Je suis marié». De nationalité française? «Ma femme?» Non, vous. «Ah oui», s'excuse l'ex-président dans un petit rire.

«Combatif»

L'entourage de Nicolas Sarkozy, 69 ans, assure qu'il est «combatif» et «déterminé» à prouver son innocence face à ce qu'il a toujours qualifié de «fable». Il est accusé, alors qu'il était ministre de l'Intérieur, d'avoir passé fin 2005, notamment avec l'aide de ses très proches, son directeur de cabinet Claude Guéant et Brice Hortefeux, un «pacte de corruption» avec le richissime dictateur libyen, pour qu'il «soutienne» financièrement son accession à la présidence française.

Jugé pour corruption, recel de détournement de fonds publics, financement illégal de campagne et association de malfaiteurs, Nicolas Sarkozy encourt 10 ans de prison et 375'000 euros d'amende, ainsi qu'une privation des droits civiques (donc une inéligibilité) allant jusqu'à cinq ans. Après l'appel des prévenus, des parties civiles et des témoins, la présidente a donné la parole aux avocats de la défense pour les questions de procédure, qui devraient occuper le tribunal toute la première semaine.

Questions de procédure

Les avocats de Brice Hortefeux et Nicolas Sarkozy soulèvent l'incompétence du tribunal au profit de la Cour de justice de la République (CJR), parce qu'ils étaient ministres au moment des faits. Nicolas Sarkozy commence à s'agiter sur son strapontin, quand le procureur Quentin Dandoy rappelle que l'ex-président a déjà saisi la justice sur ce point pendant l'enquête. Et que par deux fois, les juges ont rejeté cette demande.

«Vous allez faire croire qu'il y a une sorte d'association entre magistrats qui en veulent énormément à Nicolas Sarkozy, et qui se sont réunis, peut-être à la buvette du palais, pour se dire 'Nicolas Sarkozy et la CJR c'est niet, ce sera le tribunal de droit commun parce que c'est plus sévère ?'», lance le magistrat, sous les ricanements silencieux et crispés de Nicolas Sarkozy. «Ce genre d'insinuations porte gravement atteinte à l'indépendance de la justice», ajoute-t-il, pendant que Nicolas Sarkozy bouillonne en commentant à voix basse.

La présidente coupe court: «La parole est libre, mais l'ironie n'a pas sa place», dit-elle au procureur. «C'est choquant», abonde, furieux, Nicolas Sarkozy. Le procureur s'insurge à son tour: «Je réponds juste à M. Sarkozy qui dit que ce que je dis est effrayant, alors que je ne dis que les faits».

Reprise mercredi

L'audience a été suspendue en début de soirée sans que le tribunal se prononce. Elle reprendra mercredi. Nicolas Sarkozy conteste tout: pour lui, les accusations des Libyens ne sont qu'une «vengeance» s'expliquant par son soutien actif aux rebelles libyens au moment du Printemps arabe qui fera chuter M. Kadhafi, tué en octobre 2011. L'accusation estime que le «pacte de corruption» s'est noué à l'automne 2005 à Tripoli, sous la tente de Mouammar Kadhafi, connu pour être très généreux avec ses visiteurs étrangers.

Nicolas Sarkozy était alors un ambitieux et très médiatique ministre pensant à la présidentielle. Sa visite en Libye était officiellement consacrée à l'immigration clandestine. L'accusation n'a pas pu établir un montant total exact du financement présumé. Mais après 10 ans d'enquête, un «faisceau d'indices» a convaincu les juges d'instruction.

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la