Emmanuel Macron sera présent ce mercredi à Lyon pour les obsèques de Gérard Collomb. Il s'exprimera dans la cathédrale Saint-Jean. Une intervention qui ne gommera sans doute pas son énorme erreur politique. Celle de ne pas avoir écouté l’ancien maire socialiste de Lyon Gérard Collomb, décédé samedi 25 novembre à l’âge de 76 ans. Celle, plus encore, de le laisser partir sans ménagement du ministère de l’Intérieur sur fond de crise à l’Élysée, début octobre 2018, après un été bousculé par l’affaire Benalla, ce collaborateur présidentiel pris en flagrant délit d’usurpation du titre de policier lors d’une manifestation syndicale.
Gérard Collomb n’était pas un membre des «mormons», cette équipe rapprochée de conseillers d’Emmanuel Macron qui se dévoua corps et âme pour son élection, durant sa première campagne présidentielle victorieuse de mai 2017. Critiqué au sein du Parti socialiste pour être trop centriste, ce social-démocrate avait tout du notable de province, aux antipodes de l’ambiance «start-up» qu’affectionne toujours le Chef de l’État Français. Mais il connaissait bien le pays réel. Il le sentait. Il savait que le bousculer, au nom d’une hypothétique disruption, exigeait de prendre d’infinies précautions. Collomb était un peu l’archétype de la politique à l’ancienne. Réseaux. Racines locales. Méfiance envers la centralisation parisienne excessive. Il était, en clair, l’anti-Macron. Et c’est bien pour cela que les deux hommes formaient un bon tandem.
Le décollage de 2016
L’actuel locataire de l’Élysée ne serait pas là où il se trouve depuis bientôt sept ans si Gérard Collomb ne l’avait pas adoubé le 2 juin 2016, lors d’une réunion des «réformistes» européens, à l’initiative du collectif «Les Gracques» composé de hauts fonctionnaires et d’intellectuels. Macron n’avait alors pour lui que son image de jeune ministre de l’économie dynamique distillée par les médias. Il lui manquait la crédibilité institutionnelle et un rendez-vous avec la France.
Deux hommes, alors, ont accepté de lui offrir cette France sur un plateau électoral. Le premier fut Gérard Collomb, las d’être tenu à l’écart par sa famille politique. Le second fut le centriste François Bayrou, aujourd’hui dans l’attente du jugement dans son procès pour les emplois fictifs au sein de son parti, le Modem. Preuve que ce duo fut la clef de voûte du macronisme, l’un et l’autre furent récompensés par des postes parallèles de ministres, dès 2017. Collomb devint ministre de l’Intérieur, en charge de la sécurité publique et des préfets. Bayrou devint ministre de la Justice. Mais ce scénario-là fit rapidement long feu.
Les trois conseils
Gérard Collomb fut le porteur de trois conseils qu’Emmanuel Macron eut tort – c’est toujours vrai aujourd’hui – de ne pas écouter. Premier conseil: ne pas minimiser les colères sociales, dans un pays où les communautés sont de plus en plus souvent «face à face» et non côte à côte. Second conseil: prendre la province et ses métropoles au sérieux comme instrument de dynamisation de la France. Troisième conseil: faire preuve de calme et d’autorité, et ne pas laisser une légion de courtisans s’emparer de l’Élysée pour y creuser un fossé avec les Français.
Ces trois conseils étaient ceux d’un vieux routier de la politique de «papa». Député, sénateur, maire de Lyon pendant vingt ans, fin connaisseur de toutes les ficelles de la vie électorale. Collomb ne croyait pas au renouveau. Il n’aimait pas la prétendue «transformation». Il ne croyait qu’aux réformes tricotées avec patience. Cet agrégé de lettres n’était pas un «hypercommunicant». Il savait que l’image, en politique, est un dangereux miroir. Il voulait que son poulain Emmanuel Macron gagne en maturité. Il a échoué, et donné sa démission.
En un an et demi au ministère de l’intérieur, sa conviction était acquise: Macron a, en lui, le goût de la provocation. Il ne supporte pas la politique ordinaire. Collomb espérait forger un nouveau Clemenceau, capable de réconcilier ordre et modernité. Mais c’est d’un apprenti Bonaparte que la campagne de 2017 a accouché.
Profond «chagrin»
Dans leur communiqué de condoléances, Emmanuel Macron et son épouse Brigitte ont exprimé leur «profond chagrin». Sans doute est-il réel. Il est d’ailleurs possible que le président se rende à Lyon, où un hommage sera rendu à l’ancien maire de la ville dès ce lundi 26 novembre jusqu’à ses obsèques, mercredi 29 novembre. Reste une évidence: s’il avait davantage écouté cet élu septuagénaire, devenu amer à force d’être ignoré, le président français aurait peut-être acquis ce qui lui manque tant: l’indispensable maturité politique qui sied à sa fonction.