Naître en France suffira-t-il encore, demain, pour être Français? La question est aujourd’hui posée par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, dans le cadre spécifique de l’île de Mayotte, au nord du canal du Mozambique. Dimanche 11 février, celui-ci a avancé l’idée d’un abandon du droit du sol sur ce territoire insulaire entouré par l’archipel des Comores, afin d’en terminer avec les vagues d’immigration «démographiques» composées de jeunes mères venues accoucher à Mayotte pour que leurs nouveau-nés y soient enregistrés.
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Les statistiques, en la matière, disent le défi posé aux systèmes français d’acquisition de la nationalité, en vigueur depuis 1851. Sur le territoire de Mayotte, séparé de la métropole par environ 8000 kilomètres, 10'600 bébés de mères domiciliées sur l’île, mais aux trois quarts de nationalité comorienne, sont nés en 2021, soit 1 430 de plus qu’en 2020. Ces chiffres sont ceux de l’INSEE, l’Institut national de la statistique.
Selon cet institut, un nouveau-né sur deux a, à Mayotte, un père de nationalité étrangère. L’île de Mayotte affiche une croissance démographique cinq fois plus importante que le reste de la France et la maternité principale de Mamoudzou, sa capitale, est débordée. «Avec des salles de taille insuffisante, le personnel a une obsession, réanimée quasiment toutes les demi-heures: vérifier le nombre de lits disponibles, et faire de la place. Une des trois salles de prétravail a été transformée en suite de couches avec brancards. Même chose du côté des grossesses pathologiques. En suites de couches, cinq chambres doubles ont été équipées d’un troisième lit, lequel ne dispose toujours pas de sonnette» racontait Le Monde, dans un reportage publié en 2016. Or depuis, la situation n’a cessé de s’aggraver.
Une remise en cause problématique
Le problème est que cette remise en cause du droit du sol est tout, sauf neutre pour la République dans son ensemble. L’extrême droite et une partie de la droite française réclament en effet de longue date d’en finir avec un système encore en vigueur en France, en Allemagne et en Belgique, mais pas en Suisse. Naître sur le territoire de la Confédération n’ouvre, pour rappel, aucun droit à la nationalité helvétique. La constitution fédérale aborde la nationalité à son article 37 selon lequel «A la citoyenneté suisse toute personne qui possède un droit de cité communal et le droit de cité du canton.» Nulle mention n’est faite du lieu de naissance ou de la nationalité des parents.
En France, les enfants nés sur le sol de la République, en métropole ou en outre-mer, de deux parents étrangers deviennent français de deux façons. Soit automatiquement à la naissance, si leurs parents en font la demande. Soit à la date de leurs 18 ans, à condition d’avoir eu «sa résidence habituelle en France pendant une période continue ou discontinue d’au moins cinq ans depuis l’âge de 11 ans». C’est cette disposition que la loi immigration votée en décembre et retoquée en janvier par le Conseil constitutionnel prévoyait de durcir en obligeant les jeunes nés de parents étrangers à manifester leur volonté d’obtenir la nationalité française entre 16 et 18 ans. Au final, le changement n'a pas eu lieu.
Mayotte, exception depuis 2018
Le cas de Mayotte est différent depuis 2018. Le droit du sol y a alors été durci. Pour qu’un enfant né sur l’île devienne Français, il faut désormais que l’un de ses parents ait, au jour de la naissance, été présent de manière régulière en France depuis au moins trois mois. Mais avec l’annonce, par le ministre de l’Intérieur, du fait qu’il ne sera bientôt plus possible sur l’île» de devenir français si on n’est pas soi-même enfant de parent français, tout change. Y compris sur le reste du territoire français régi par un principe d’égalité pour tous les citoyens cher au Conseil Constitutionnel.
Dans le jardin du RN
La pierre politique lancée par Gérald Darmanin est d’ailleurs aussitôt tombée dans le jardin du Rassemblement national, qui défend de longue date un référendum sur l’immigration. La remise en cause du droit du sol pourrait alors faire partie des questions posées.
«Supprimer le droit du sol et limiter l’accès à la nationalité à la seule naturalisation sur des critères de mérite et d’assimilation» était, en 2022, l’une des promesses de la candidate Marine Le Pen durant sa campagne présidentielle. L’autre option, celle d’une réforme partielle de la Constitution par voie parlementaire, semble en effet difficile, vu la nécessité de rassembler 3/5 ème des députés et sénateurs sur une même proposition de modification de la loi fondamentale.