«Je suis une femme totalement détruite», a lancé Gisèle Pelicot mercredi devant la cour qui juge son ex-mari et 50 autres hommes pour l'avoir violée pendant des années alors qu'elle était droguée et inconsciente, affirmant vouloir «changer cette société» face aux violences sexuelles faites aux femmes.
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En demandant la levée du huis clos du procès des viols de Mazan (Vaucluse), «je voulais que toutes les femmes victimes de viol se disent 'madame Pelicot l'a fait, on peut le faire'. Je ne veux plus qu'elles aient honte. La honte, ce n'est pas à nous de l'avoir, c'est à eux. (...) j'exprime surtout ma volonté et détermination pour qu'on change cette société», a affirmé à la barre de la cour criminelle de Vaucluse celle qui est devenue, à 71 ans, une icône de la cause féministe.
«Je ne sais pas si ma vie me suffira pour me relever»
Elle avait été invitée à s'exprimer par le président de la cour, Roger Arata, pour «donner ses impressions» à mi-parcours de ce procès hors norme débuté le 2 septembre, emblématique de la soumission chimique et des violences sexuelles.
«Je ne sais pas comment je vais me reconstruire, me relever de tout ça. Heureusement, je suis soutenue par un psychiatre et il me faudra encore beaucoup d'années. À bientôt 72 ans, je ne sais pas si ma vie me suffira pour me relever», a-t-elle ajouté.
Gisèle Pelicot s'est ensuite adressée à son mari, assis dans le box des accusés, sans pourtant le regarder, pour lui demander «comment» il avait pu, pendant une décennie la droguer aux anxiolytiques, la violer et la faire violer par des dizaines d'inconnus recrutés sur internet.
«Personne n'a rien vu»
«Je cherche à comprendre comment ce mari, qui était l'homme parfait, a pu en arriver là. Comment ma vie a pu basculer. Comment tu as pu laisser entrer chez nous ces individus alors que tu connaissais mon aversion pour l'échangisme. Pour moi, cette trahison là, elle est incommensurable. 50 ans de vie, je pensais finir mes jours avec ce monsieur...», a-t-elle expliqué d'une voix claire et déterminée.
«Personne n'a rien vu. Ma vie a basculé dans le néant, je ne comprends pas comment il a pu en arriver là. J'ai toujours essayé de te tirer vers le haut, toi tu as atteint les bas-fonds de l'âme humaine mais malheureusement c'est toi qui l'a choisi», a-t-elle poursuivi. Son ex-mari, 71 ans, est resté sans réaction apparente, baissant les yeux. Les six autres coaccusés, entourés de leurs conseillers, dont la cour étudie les cas cette semaine, sont eux aussi restés silencieux.
«Un viol est un viol»
Cette prise de parole de Gisèle Pelicot est la seconde depuis le début du procès. Mi-septembre, elle était sortie de sa réserve habituelle en exprimant son sentiment d'humiliation mais aussi de colère face aux insinuations de certains avocats sur ce qu'elle a subi, leur lançant: «Un viol est un viol !»
«Depuis que je suis arrivée dans cette salle d'audience, je me sens humiliée», avait-elle lâché en direction des 51 hommes, jugés jusqu'au 20 décembre. La diffusion de 27 clichés d'elle pris à son insu, une première depuis l'ouverture des audiences, à la demande d'avocats de la défense et censés prouver que leurs clients ont pu être «trompés» en pensant avoir été attirés par son époux la prétendant consentante, l'avait fait sortir de ses gonds.
Une icône de la cause féministe
Comme quasiment tous les jours depuis l'ouverture du procès, Gisèle Pelicot est arrivée mercredi sous les applaudissements du public au palais de justice d'Avignon. La veille, elle avait également reçu un bouquet de fleurs lorsqu'elle avait quitté le tribunal, remerciant chaleureusement les personnes venues la soutenir.
Elle suit assidument presque toutes les audiences lors desquelles défilent un à un tous les accusés de ce procès qui suscite l'attention internationale. Il lui arrive parfois de lever les yeux au ciel ou d'afficher un rictus moqueur lorsque certains d'entre-eux donnent des explications baroques «par peur», «pour faire plaisir au couple», «par accident», ... pour justifier leurs actes. Les accusés encourent jusqu'à 20 années de réclusion criminelle.