Premières bourdes
Ce que Gabriel Attal ne peut pas dire aux Français (sans les exaspérer)

La première polémique de son nouveau gouvernement le prouve: lorsque sa ministre de l'Éducation nationale tord la vérité, elle est aussitôt rattrapée par la réalité. Et attention: l'exaspération n'est pas loin.
Publié: 15.01.2024 à 18:02 heures
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Dernière mise à jour: 15.01.2024 à 19:25 heures
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Avec un porte-voix, le nouveau Premier ministre Gabriel Attal espère se faire entendre. Y parviendra-t-il?
Photo: DUKAS
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Richard WerlyJournaliste Blick

Gabriel Attal, 34 ans, est sans doute l’un des meilleurs communicants politiques de France. Emmanuel Macron croit en tout cas à sa force de conviction, puisqu’il vient de le nommer Premier ministre. Mais suffit-il de parler pour convaincre, même avec un porte-voix comme le nouveau chef du gouvernement l’a fait lors d’un de ses premiers déplacements? Pas sûr.


La première preuve de ce fossé entre la communication et la réalité n’a pas tardé. Elle est intervenue dans la foulée de l’annonce, jeudi 11 janvier, de son remplacement au ministère de l’Éducation nationale par l’ex-ministre des sports, Amélie Oudéa-Castera. L’intéressée aura désormais la charge des 850 000 enseignants français et des 12 millions d’élèves ou apprentis, dont environ 85% sont scolarisés dans l’enseignement public. Or voilà que la Ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse a reconnu avoir, pour ses enfants, choisi une autre voie: celle d’un établissement catholique parisien considéré comme l’un des sanctuaires de l’élite de la capitale. Mieux: elle a justifié ce choix par l’absentéisme des enseignants dans le public, pour se retrouver aussitôt démentie par l’une des institutrices qui a, pour quelques mois seulement, eu la responsabilité d’un de ses fils. Bref, l’odeur de mensonge a soudain rapidement empoisonné l’atmosphère. De quoi pourrir la première rencontre entre la ministre et les syndicats d’enseignants dès ce lundi…

Leçon 1: Ne pas mentir sur ses choix personnels

Parcourir la France ne suffit pas

Second piège annoncé pour Gabriel Attal: son emploi du temps. L’intéressé, il est vrai jeune, dynamique et performant, a promis d’effectuer une visite de terrain par jour. Soit. L’objectif d’Emmanuel Macron est, rappelons-le, de faire barrage à la progression du Rassemblement national dans les sondages, d’ici aux élections européennes du 9 juin 2024. Mais comment incarner l’autorité de l’État, et procéder aux arbitrages indispensables, lorsque l’on est en permanence en déplacement? Les Français, qui se plaignent souvent de la bureaucratie tatillonne, savent combien l’État est lourd à manœuvrer. La réalité est que le pouvoir réel sera sans doute dans les mains du directeur de cabinet du premier ministre Emmanuel Moulin, l’ex-directeur du Trésor dont le président a imposé la nomination. Difficile pour Gabriel Attal de dire aux Français «J’ai décidé que… » ou «Je vais décider que… » dans ces conditions. Or c’est pourtant ce qu’il va répéter ces prochaines semaines.

Leçon 2: Ne pas nier les lourdeurs étatiques

Macron écrase tout

Troisième écueil: la difficulté d’exister par rapport à Emmanuel Macron. Les Français ne sont pas dupes. Qui occupera toute la soirée de mardi 16 janvier à la télévision, lors d’une conférence de presse nocturne inédite? Le président de la République. Qui sera l’interlocuteur privilégié des poids lourds du gouvernement (Finances, Intérieur, Affaires étrangères, Défense) ? Le président. Qui procédera aux arbitrages, par exemple si la préparation des Jeux Olympiques déraille ou n’est pas satisfaisante? Le chef de l’État. Difficile, dans ces conditions pour Gabriel Attal, et même si la réalité est plus complexe, de ne pas apparaître comme un «bébé Macron» pieds et poings liés à «Jupiter», le surnom présidentiel.

Leçon 3: Ne pas dire «Lui c’est lui, moi c’est moi

Les moyens manquent

Quatrième obstacle: les moyens. Moyens financiers, matériels, diplomatiques, et militaires. Bruno Le Maire, le ministre des Finances, a donné le ton dès sa cérémonie de vœux le 8 janvier: l’État Français devra réaliser en 2024 au moins douze milliards d’euros d’économies. Or la règle d’une campagne électorale, en France (mais ailleurs aussi) est de promettre des chèques à gogo. C’est d’ailleurs ce que Gabriel Attal a fait à l’hôpital de Dijon, vendredi 13 janvier, en promettant 32 milliards d’euros d’investissements supplémentaires dans la santé d’ici à 2029. Mais où trouver l’argent ? Idem lorsque, dans un tout autre domaine, le nouveau ministre des Affaires étrangères Stéphane Séjourné a promis samedi à Kiev que «l’Ukraine reste la priorité de la France malgré la multiplication des crises.» Or «priorité» veut dire assistance budgétaire, livraisons d’armes, etc. Pas sûr que la France soit capable de tenir cette promesse. Gabriel Attal, qui fut ministre du Budget, connaît ces contraintes.

Leçon 4: Ne pas promettre de l’argent qui n’existe pas

Le RN s’impose comme une alternative

Cinquième erreur: penser que les Français ne voient pas, simultanément, le Rassemblement national (RN) gagner en crédibilité. Ce dimanche 14 janvier, Marine le Pen a ainsi officialisé son «ticket» avec Jordan Bardella, 28 ans, qu’elle s’est engagée à nommer Premier ministre si elle est élue présidente de la République en 2027. Gabriel Attal n’a donc ni le monopole de la jeunesse, ni celui d’une incarnation d’un avenir gouvernemental. Le RN va jouer à fond la carte du travail parlementaire et de la connaissance de la «France qui se tait». Bref, le mouvement national-populiste va tout faire pour apparaître comme une alternative tranquille et résolue. A l’opposé du spectacle politique permanent donné par Emmanuel Macron.

Leçon 5: Ne pas sous-estimer le RN


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