Ils sont la clientèle politique d’Emmanuel Macron et de ses alliés potentiels de droite. Pour cette partie de la France, favorable à des coupes dans les budgets sociaux et hostiles à de nouvelles hausses d’impôts, le programme du Nouveau Front Populaire (NFP) est un repoussoir absolu.
Le NFP, cette alliance électorale entre La France Insoumise (LFI, gauche radicale), le parti socialiste, le parti communiste et les écologistes, a annoncé que s’il formait un gouvernement, plusieurs mesures sociales symboliques seront appliquées en urgence. L’abrogation de la réforme des retraites, l’augmentation du salaire minimum et la mise en place d’une taxation sur les superprofits en font partie.
Un triptyque qui explique largement le refus d’Emmanuel Macron de lui confier les commandes du pays, même si le président a surtout motivé son rejet, lundi 26 août, par le risque d’une motion de censure que déposeraient à l’Assemblée nationale les forces politiques adversaires de la gauche.
Les anti NFP sont bien sûr nombreux au sein du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), le patronat français qui a conclu ce mardi 27 août ses traditionnelles journées d’été sur l’hippodrome de Paris-Longchamp. Pour les patrons, pas de nuance: le programme de cette coalition de gauche arrivée de justesse en tête à l’issue des dernières élections législatives «conduit tout droit le pays à la faillite».
180 milliards d’euros
Selon les experts du MEDEF et de l’Institut Montaigne, un think-tank libéral, les mesures proposées par la coalition entraîneraient 180 milliards d’euros de dépenses supplémentaires, alors que le projet de loi de finances qui sera présenté en octobre sera placé sous le signe de l’austérité.
L’actuel ministre démissionnaire des Finances Bruno Le Maire, issu de la droite, exige au moins cinq milliards d’euros d’économies, mais beaucoup jugent que cela ne suffira pas à ramener dans les clous un déficit budgétaire français qui pourrait atteindre 170 milliards fin 2024, et limiter une dette publique proche des 3'100 milliards d’euros, soit plus de 110% du produit intérieur brut. D’où la procédure pour déficit excessif lancée le 19 juin par la Commission européenne contre la France, en pleine campagne électorale.
La méthode en question
L’autre inquiétude nourrie par le Nouveau Front Populaire est celle de la méthode. L’alliance de gauche, forte de 193 députés sur 577, a mis plus de deux semaines après le second tour des législatives le 7 juillet pour accoucher d’une candidate Première ministre, Lucie Castets. Motif: les dissensions entre ses composantes, et l’insistance de LFI à faire appliquer «tout son programme».
Emmanuel Macron, garant de la stabilité institutionnelle, ne veut donc pas d’un gouvernement dont les ficelles seraient tirées en coulisses par Jean-Luc Mélenchon, même si celui-ci avait par avance accepté la possibilité de ne pas avoir de ministres LFI. L’idée d’un gouvernement dominé par les syndicats, et sous la pression de la rue, obsède le président français qui connaît l’état de son désamour avec les Français.
Autre risque selon l’Élysée: celui de voir un gouvernement NFP prendre – avant d’être censuré à l’Assemblée par une majorité de députés, la droite ainsi que le bloc centriste et le Rassemblement national ayant promis de voter contre – des mesures par décrets.
Les exemples le plus souvent cités par l’entourage d’Emmanuel Macron portent sur l’abrogation de la réforme des retraites et du report de l’âge légal de départ à 64 ans en vigueur depuis le 1ᵉʳ septembre 2023; sur une possible augmentation du SMIC (le salaire minimum) à 1'600 euros net mensuels, contre 1'405 euros actuellement. Le retour d’un impôt sur la fortune, préconisé par la gauche, exigerait en revanche un débat à l’Assemblée, suivi d'un vote. Il pourrait être intégré au projet de loi de finances, c’est-à-dire au budget.
Le budget: c’est en fait ce qui tourmente tant le président français, qui sait combien la France est scrutée par les agences de notation financière, lui qui se veut le chantre de l’attractivité et le défenseur des investissements étrangers dans l’hexagone. «Pas question de confier les clés de la caisse à une haute fonctionnaire, directrice des finances de la ville la plus endettée du pays» résume un parlementaire macroniste, en désignant Lucie Castets, responsable du budget de la ville de Paris depuis un an.
Didier Migaud, le sauveur?
Le symbole de cette peur budgétaire, à un moment où la relation franco-allemande est au plus bas et où une nouvelle Commission européenne prendra ses fonctions cet automne, est le nom qui émerge depuis quelques jours comme candidat possible au poste de Premier ministre: l’ancien député socialiste Didier Migaud, ancien président de la Cour des comptes.
Un parlementaire de gauche rompu à l’orthodoxie budgétaire et aux manœuvres dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale. Bien loin des promesses sociales du Nouveau Front Populaire, cette coalition que les électeurs ont pourtant placée en tête, devant les autres forces politiques.