Leurs mots sont chaque fois des armes de destruction massive. En répétant, ce lundi soir 26 août, leur intention de déposer une motion de destitution contre Emmanuel Macron, et en qualifiant de «coup d’État» son refus de nommer un Premier ministre issu de la coalition de gauche, les ténors de La France Insoumise (LFI, gauche radicale) jouent une nouvelle fois avec le feu. Leur leader septuagénaire, Jean-Luc Mélenchon, poursuit donc son offensive pour mettre le président français dos au mur. Avec, déjà, l’idée de descendre dans la rue pour contester tout gouvernement qui ne découlerait pas du Nouveau Front Populaire (NFP), malgré l’étroite victoire de cette union aux dernières élections législatives.
Cet engrenage de la terreur républicaine est fidèle à la volonté de Mélenchon d’installer un duel au sommet, en vue de forcer la main d’un Chef de l’État auquel la constitution donne le droit de nommer qui il veut à la tête du gouvernement. Il conforte donc tous ceux qui, de l’extrême-droite au centre en passant par une bonne partie des sociaux-démocrates et des écologistes, rejettent cette volonté permanente d'incendier les institutions. Tout en donnant à Emmanuel Macron un argument en or pour désigner la gauche comme fautive potentielle du désordre, incapable selon lui de gouverner dans un esprit de compromis.
Tunnel politique
Le problème est que cette version des faits est incomplète. Car le tunnel politique dans lequel la France se retrouve plongée depuis la dissolution de l’Assemblée nationale du 9 juin, sans lumière pour indiquer sa sortie, est d’abord le fait du président lui-même et de ses conseillers au Palais présidentiel de l’Élysée.
Ce sont eux qui, plutôt que de chercher à nouer des alliances au sein de l’assemblée sortante où le camp présidentiel disposait d’une solide majorité relative, ont tenté un poker électoral à la va-vite. Ce sont eux, ces conseillers de l’ombre, qui refusent d’assumer publiquement la défaite du camp macroniste, passé d’environ 260 députés à 160. Ce sont eux qui oublient aujourd’hui qu’entre les deux tours du scrutin législatif, le président lui-même s’est félicité du «Front républicain», cette alliance anti-Rassemblement national qui incluait alors, dans le présumé camp du «bien», les électeurs et les candidats de LFI.
Responsabilité démocratique
Emmanuel Macron a le pouvoir constitutionnel de nommer le chef du gouvernement. Il a aussi le devoir de s’assurer que ce Premier ministre pourra gouverner. Mais comme président de tous les Français, au-dessus des partis, sa responsabilité démocratique est de s’assurer que le résultat des urnes est respecté, et que l’Assemblée nationale demeure le centre du débat, la fabrique des lois et l’instance de contrôle de l’exécutif. Refuser un gouvernement au motif que celui-ci pourrait être renversé par une majorité de députés ne tient pas. La motion de censure, outil constitutionnel à part entière, est un élément qu’il est malsain de diaboliser.
Que Jean-Luc Mélenchon soit le plus redoutable des pyromanes politiques ne fait guère de doutes. Mais croire qu’il suffit à l’inverse de s’autoproclamer défenseur de la stabilité institutionnelle pour redevenir crédible et convaincre les Français du bien-fondé de ces décisions, est un raisonnement très dangereux pour un président de la République en fin de mandat, dans l’impossibilité de se représenter en 2027.
Emmanuel Macron ne doit pas transformer le palais de l’Élysée en problématique gare de triage démocratique. Il doit, comme chef de l’État devenu minoritaire, accepter de partager son pouvoir. Y compris avec ceux qui remettent en cause ses réformes et sa vision du pays.