Le gouvernement français a dévoilé jeudi son projet de budget pour 2025, sous forte pression pour trouver des économies en raison d'une dette «colossale» qui inquiète l'Union européenne. Il prévoit notamment des contributions «exceptionnelles» demandées aux ménages les plus aisés et aux grandes entreprises
Le gouvernement s'est fixé pour objectif de réduire le déficit de 60 milliards d'euros afin d'éviter que celui-ci ne dépasse les 6% du PIB, une dérive qui vaut à la France de faire l'objet d'une procédure de Bruxelles pour déficit excessif.
Le gouvernement va soumettre environ 400 grandes entreprises, pendant deux ans, à une «contribution exceptionnelle» sur leurs bénéfices réalisés en France en 2024 et 2025 afin de participer au redressement des finances publiques.
Cette mesure, qui concerne les entreprises réalisant un chiffre d'affaires d'au moins 1 milliard d'euros, doit rapporter 8 milliards d'euros en 2025 et 4 milliards en 2026.
Le gouvernement français prévoit aussi d'instaurer durant trois ans une «contribution temporaire et exceptionnelle» visant les ménages les plus aisés qui rapporterait 2 milliards d'euros en 2025, dans son projet de budget pour 2025 centré sur le redressement des finances publiques.
Ce mécanisme concerne ceux qui sont déjà soumis à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (soit un revenu de référence de 250'000 euros pour un célibataire et 500'000 euros pour un couple).
Préserver l'attractivité
Par ailleurs, le gouvernement prévoit d'instaurer une «taxe exceptionnelle» sur les grandes entreprises de fret maritime, qui doit rapporter 500 millions d'euros l'an prochain.
Dans un pays qui en est le champion européen, la dépense publique continuera à augmenter, mais moins fortement. Quelque 2200 postes de fonctionnaires seront supprimés, notamment dans l'éducation nationale.
La France a vu sa dette gonfler à 112% du PIB en juin, soit le niveau d'endettement le plus élevé de l'UE devant la Grèce et l'Italie. Son taux d'emprunt à dix ans a dépassé fin septembre celui de l'Espagne sur le marché de la dette, une première depuis près de 18 ans.
La marge de manœuvre de Michel Barnier est toutefois étroite en l'absence de majorité à l'Assemblée nationale. En outre, plusieurs ministres et députés ont fait part cette semaine de leur préoccupation quant aux efforts attendus.
«Je veux que cet effort soit juste et qu'il soit équilibré», a affirmé jeudi devant la presse Michel Barnier, ajoutant que «l'attractivité ou la crédibilité de la signature française doit être préservée».
Le projet de budget doit «prévenir une crise dont les premières victimes seraient les plus faibles d'entre nous», selon la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon, évoquant un «effort nécessaire, partagé et ciblé».
Paris se sait attendu par ses voisins européens, et a dépêché lundi son ministre de l'Economie Antoine Armand à Luxembourg pour tenter de convaincre ses homologues de l'UE de son sérieux budgétaire.
Risque de déstabilisation
M. Barnier a toutefois prévenu que la France n'atteindrait pas le plafond de déficit de 3% en vigueur au sein de la zone euro avant 2029, soit deux ans plus tard que l'échéance fixée par le précédent gouvernement. Pour le budget 2025, il a estimé que la réduction des dépenses, «premier remède» selon lui, devrait permettre d'économiser 40 milliards d'euros.
Les législatives anticipées convoquées par le président Emmanuel Macron après l'échec cuisant de son parti aux élections européennes en juin ont débouché sur un hémicycle fragmenté en trois blocs.
Michel Barnier, qui a composé un gouvernement essentiellement issu de la droite et du centre-droit, devra composer avec l'opposition frontale de la gauche, qui a défendu sans succès mardi une motion de censure contre lui.
Le Rassemblement national (RN, extrême-droite) se montre plus conciliant, tout en fixant ses exigences. Son président, Jordan Bardella, a averti que «le RN refusera que l'on fasse les poches de la France du travail».
Quant à ses alliés du bloc macroniste, ils l'exhortent à ne pas détricoter la politique d'allègements fiscaux menée pendant sept ans. Le précédent locataire de Matignon, Gabriel Attal, a dit mercredi redouter «trop d'impôts» et «pas assez de réformes», «avec le risque de déstabiliser nos industries et la classe moyenne qui travaille».
Dans ce contexte, nul n'imagine que le gouvernement pourra s'exonérer de faire usage de l'article 49.3, arme constitutionnelle qui permet de faire adopter un texte sans vote.