Signe encourageant ou risque maximal? Le nouveau Premier ministre Français désigné par Emmanuel Macron prendra les rênes du gouvernement un vendredi 13! Un symbole de la «malédiction» qui frappe l’Hôtel Matignon, où travaille celui qui, selon la Constitution, détermine et conduit à la tête du gouvernement «la politique de la nation»? Pas besoin à vrai dire. Car à peine nommé, les obstacles seront très nombreux sur la route qui le conduira, ou pas, jusqu’à la fin du second mandat du président de la République réélu en avril 2022 pour cinq ans.
Concrètement, celui qu’Emmanuel Macron s'apprète à désigner, huit jours après la motion de censure votée par une majorité de députés contre Michel Barnier, a devant lui trois missions impossibles. C’est dire. Le risque de crises politiques à rebondissements en France dans les prochains mois ne peut donc, dans ces conditions, pas être écarté.
Mission impossible N° 1: Redresser les finances
La France a un problème chronique de dérapage de ses finances. Les dépenses publiques, qui représentent 58% du produit intérieur brut (PIB), un record européen, continuent d’augmenter alors que les recettes ont baissé, notamment en raison de la croissance économique décevante (1,1% en 2024) et des recettes insuffisantes, engendrées par les baisses d’impôts consenties par les gouvernements précédents au nom de l’attractivité et de la compétitivité, chevaux de bataille d’Emmanuel Macron.
L’ancien ministre des Finances Bruno Le Maire, désormais enseignant à l’université de Lausanne, a de nouveau été auditionné jeudi 12 décembre à l’Assemblée nationale. Il a reconnu être responsable de ce dérapage mais a questionné la légitimité des députés qui le lui reprochaient, car tous veulent encore augmenter les dépenses. En clair: le nouveau Premier ministre n’aura pas d’autre choix qu’un choc fiscal. C’est ce que préparait Michel Barnier, avant d’être renversé après le rejet du projet de loi de finances de la sécurité sociale. Une loi spéciale est désormais en examen à l’Assemblée pour permettre la reconduction temporaire du budget 2024.
Mission impossible N° 2: Forger une union nationale
Emmanuel Macron a trouvé un terme pour ne pas parler «d’union nationale». Le président français a défendu, lors de sa dernière allocution télévisée le 6 décembre, au lendemain de la motion de censure (la première votée depuis 1962) un «gouvernement d’intérêt général». Mais cela veut dire quoi? Difficile à définir dans une France dont l’Assemblée nationale est fracturée en trois blocs (Droite nationale populiste, droite et centre droit, gauche) et dont les deux principaux partis, le Rassemblement national et La France Insoumise (gauche radicale) sont rejetés par le président qui les qualifie «d’extrêmes».
Le résultat? La volonté de gouverner au centre, mais avec deux écueils énormes: la volonté de la droite traditionnelle de pousser son agenda sécuritaire et anti-immigration, et le désir de la gauche sociale-démocrate de poser aussi ses conditions. «Intérêt général» ? La première mission du nouveau premier ministre sera de donner sa définition de ce terme.
Mission impossible N° 3: Faire oublier Macron
Cette mission-là est vraiment impossible. Car personne, en France, n’est aujourd’hui prêt à tourner la page de la dissolution de l’Assemblée nationale décidée seul, et par surprise, le 9 juin, par Emmanuel Macron. Ce geste, il faut le redire, était démocratique au sens où le président est revenu vers le peuple car il craignait déjà, à l’époque, un rejet du projet de budget pour 2025. Le président de la République voulait aussi une «clarification» des électeurs, après la nette défaite de son camp présidentiel aux élections européennes. La suite est connue. L’expérience menée avec le conservateur Michel Barnier a échoué.
Le Rassemblement national et la gauche unie ont mêlé leurs voix pour faire tomber son gouvernement. Un vote largement interprété comme une sanction votée contre Emmanuel Macron, en partie dans le but de le forcer à tirer les conséquences de sa défaite politique et à démissionner. L’intéressé a répondu qu’il resterait à son poste pour les trente prochains mois, jusqu’à la fin de son second mandat. La seule solution, pour un premier ministre désireux d’exister et de ne pas faire l’objet d’une nouvelle motion de censure, est donc de faire oublier Macron. Bonne chance!