L’hebdomadaire britannique The Economist a, une fois de plus, fait mouche à propos de la France. Sa dernière couverture consacrée au pays d’Emmanuel Macron montre une station de métro parisienne où la carte de la capitale française est remplacée par un seul mot: Merde! Difficile de faire plus clair. Oui, la France est dans la me… Après la chute du premier ministre et de son gouvernement, suite au vote mercredi soir de la première motion de censure adoptée par l’Assemblée nationale depuis 1962! Michel Barnier a remis sa lettre de démission ce jeudi 5 décembre à 10 heures au chef de l’État. Celui-ci doit répondre à ses compatriotes lors d’une intervention télévisée qui sera diffusée à 20 heures. Et ce, dans l’ombre d’une potentielle crise financière.
Merde! The Economist n’est pas le seul à prononcer le fameux mot de Cambronne (un des Généraux les plus fidèles de Napoléon), comme on dit en France. Et pour cause: suite au vote de la motion de censure par 331 députés sur 574, le projet de budget de la Sécurité sociale qui était en discussion se retrouve suspendu. L’autre pan du débat budgétaire, à savoir la discussion sur le projet de loi de finances pour 2025, est aussi interrompu.
Sans visibilité
La République se retrouve donc sans visibilité pour ses recettes et ses dépenses l’année prochaine, alors que la dégradation des comptes publics s’est accélérée ces dernières années. Le déficit budgétaire s’établira à 6,2% en 2024, un dangereux record. L’OCDE, le club des pays riches dont la Suisse est membre, vient de réviser sa prévision de croissance à la baisse pour la France à 0,9% en 2025. La dette publique atteint un sommet: près de 3300 milliards d’euros, soit bientôt 115% du produit intérieur brut. Bref, le compteur économique est déréglé.
Merde! Emmanuel Macron ne prononcera pas ce mot lors de son intervention télévisée de ce soir, mais il pourrait. Car c’est bien son héritage et sa postérité qui sont en jeu. En début d’année 2024, ce président proeuropéen et pro mondialisation âgé de 46 ans (son anniversaire est le 21 décembre) se félicitait des nouvelles promesses d’investissements étrangers dans son pays. 15 milliards d’euros annoncés. Sauf que depuis, la concrétisation peine à se faire jour. De nombreux plans de licenciements massifs ont au contraire été annoncés. «Entre hausses d’impôts et création d’emplois, il faut choisir! » s’énervait en novembre Patrick Martin, le président du Medef, la confédération patronale. Son inquiétude? Une hausse fiscale pour accroître les recettes d’un État au pied du mur. Ce qui serait «désastreux pour l’emploi et l’économie française».
Agriculteurs en colère
Merde! C’est aussi le mot qui sera sans doute prononcé par de nombreux responsables politiques français, et par les agriculteurs en colère, si la Commission européenne va de l’avant la semaine prochaine avec la signature de l’accord commercial avec les pays du Mercosur en Amérique du Sud (l’Argentine, le Brésil, le Paraguay, l’Uruguay et la Bolivie).
Sa présidente allemande, Ursula von der Leyen, est arrivée en Uruguay pour finaliser ce texte auquel la France continue de s’opposer, tout comme la Pologne ou l’Italie. Mais voilà: une majorité de pays membres de l’UE voit dans cet accord commercial la possibilité de nouveaux marchés d’exportation. Or Macron le sait: toute signature dans le dos de la France déclenchera une crise avec les paysans. Ce qui ne fera qu’attiser le climat politique délétère dans le pays.
Attractive mais dépensière
Alors, crise économique, crise financière et crise de la dette pour terminer le second mandat d’Emmanuel Macron qui s’achèvera en mai 2027? Nous n’en sommes pas là. La France est considérée comme un pays fiable, qui rembourse ses emprunts. Mais il lui faudra débourser soixante milliards d’euros en 2025 à ses créanciers, qui sont à 55% des fonds d’investissement étrangers.
Où trouver cet argent si l’activité économique patine? Sans doute dans le bas de laine des Français qui épargnent toujours plus, preuve de leur inquiétude. D’après la Fédération bancaire française, le taux d’épargne des Français tourne autour de 17,5% par mois, l’un des chiffres les plus élevés d’Europe. Le total de l’argent épargné par les Français s’élevait en 2023 à 4 427,7 milliards d’euros en 2023. certains parlent d’un emprunt national, d’autres d’impôts exceptionnels. Le premier ministre sortant proposait de taxer les plus hauts revenus de manière ponctuelle. Celui ou celle qui le remplacera se trouvera à la tête d’un pays en forme de panier percé. Car la France d’Emmanuel Macron, même attractive, dépense toujours plus qu’elle ne gagne.