Et les favoris sont...
Le prochain Premier ministre de la France devra cocher ces 4 cases

Emmanuel Macron s'est engagé, mardi 10 décembre, à désigner un nouveau premier ministre «dans les 48 heures». Mais pour faire quoi? Et avec quelle marge de manœuvre dans une France toujours plus ingouvernable?
Publié: 11.12.2024 à 05:58 heures
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Dernière mise à jour: 11.12.2024 à 10:52 heures
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Après avoir défendu l'unité du Nouveau Front Populaire, le premier secrétaire du PS Olivier Faure a acté son divorce avec Jean-Luc Mélenchon.
Photo: AFP
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Richard WerlyJournaliste Blick

Préparez vos montres. L’entourage d’Emmanuel Macron l’a confirmé mardi 10 décembre, après la rencontre organisée à l’Elysée entre le Président français et les partis politiques prêts à s’engager à ne pas faire tomber le futur gouvernement: le nom du nouveau Premier ministre sera annoncé «dans les 48 heures». Cela veut donc dire mercredi ou jeudi. Jeudi parait plus probable, car un ultime conseil des ministres du gouvernement démissionnaire de Michel Barnier doit se tenir ce mercredi.

Seul sujet à l’agenda de ce conseil, hormis un point sur la situation internationale après la chute du régime Assad en Syrie: la présentation prochaine au Parlement d’une «loi spéciale» prévue par la Constitution pour assurer «la continuité des services publics et de la vie du pays» malgré la non-adoption d’un budget au 1er janvier.

Cette loi, qu’une majorité de députés se sont engagés par avance à voter, permettra à l’Etat de continuer à financer les services publics en l’absence de loi de finances. Un projet de budget rectificatif sera ensuite concocté par la future équipe gouvernementale pour que les promesses budgétaires faites aux agriculteurs, à l’armée ou encore aux territoires d’outre-mer confrontés à une crise grave puissent être tenues.

Reste donc, maintenant, à savoir qui sera le premier ministre capable de reprendre les commandes du pays et de «déterminer et conduire la politique de la Nation» comme le prévoit la loi fondamentale. Or pour y parvenir, le futur locataire de l’Hôtel Matignon devra répondre à quatre critères.

Critère N° 1: La non-censure

Plus question pour le futur chef du gouvernement de s’appuyer sur un accord tacite avec le Rassemblement national (droite nationale populiste), comme avait tenté en vain de le faire le conservateur Michel Barnier, nommé le 5 septembre et renversé le 4 décembre… avec les voix du parti de Marine Le Pen. L’objectif principal de l’intéressé(e) devra être de s’assurer que tous les partis présents mardi à l’Elysée (Les Républicains (droite), la coalition présidentielle «Ensemble», le parti socialiste, les Verts et le Parti communiste) tiennent parole et ne votent pas sa censure.

En clair: deux formations sont désormais exclues de l’arc gouvernemental, le RN et La France Insoumise (gauche radicale). Une réalité discutable sur le plan démocratique car il s’agit des deux premiers partis politiques du pays.

Critère N° 2: Fini les réformes

Entreprendre de nouvelles réformes (pourtant nécessaires vu l’état de dégradation économique et financière de la France) sera impossible. L’obligation arithmétique de réduire les dépenses publiques (58% du produit intérieur brut, un record) et la dette de 3200 milliards d’euros (113% du PIB) sera donc jetée aux orties.

Le vote d’un budget rectificatif sera déjà un énorme succès. Pour accorder son soutien politique – on ne parle pas encore de participation au gouvernement – les partis de gauche ont exigé que le futur chef de gouvernement n’active pas l’article 49.3 de la constitution qui permet de faire adopter des projets de loi controversés sans vote. C’est ainsi, pour mémoire, que la réforme des retraites a été adoptée en 2023.

Critère N° 3: Etre «gauche-compatible»

Les partis de gauche exigent un Premier ministre issu de leur camp politique pour participer au gouvernement. Si ce n’est pas le cas, ils s’en tiendront à une promesse de non-censure, à condition bien entendu que rien ne soit fait sans leur accord préalable. Résultat: il est probable qu’Emmanuel Macron choisisse de nommer un Premier ministre «gauche-compatible».

Cela peut être le centriste François Bayrou, dans l’antichambre du pouvoir depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017. Ou bien une personnalité proche du parti socialiste, sans en être nécessairement issue. On parle de l'ancien ministre Jean-Yves Le Drian, d'un grand élu local du PS ou du président de la région Bretagne Loïg Chesnais-Girard. On voit mal en revanche une personnalité vraiment classée à droite, comme l’était Barnier, réussir cette partie de funambulisme.

Mais attention: les grenades et les obus lancés par LFI, premier parti de gauche, seront redoutables. Pour LFI et son leader Jean-Luc Mélenchon, gouverner aujourd’hui avec la droite est une trahison. L’alliance électorale du «Nouveau front populaire» victorieuse de justesse des législatives, est selon lui bafouée.

Critère N° 4: Tenir tête à Macron

Ce sera la partie la plus compliquée. Le président français, malgré l’échec de sa dissolution de l’Assemblée nationale décidée le 9 juin, n’a toujours pas reconnu son échec, et encore moins sa défaite. Or 65 à 70% des Français selon les derniers sondages, le considèrent responsable de la crise.

Le sujet, pour le futur premier ministre, sera dès lors de démontrer qu’il ne gouverne pas dans l’ombre de ce président très impopulaire, qui répète ne pas vouloir démissionner avant la fin de son mandat en mai 2027. Le test sera le droit de dissoudre l’Assemblée. Macron pourra à nouveau l’exercer à partir de juillet 2025, un an après la précédente dissolution. Va-t-il s’engager à ne pas le faire? Ce qui garantirait au gouvernement une stabilité minimale. Ce sera la première bataille.


Et au bout de ces quatre critères, qui sort du chapeau présidentiel? Trois profils sont envisageables. Chacun, avec des noms accolés…

Le profil technique. Un haut fonctionnaire ou un ancien ministre, plutôt de gauche, réputé pour sa crédibilité en matière de finances publiques. Cette personnalité ne viendrait pas du champ politique. Exemple: le président de la Cour des comptes Pierre Moscovici, le patron de la Banque de France (ancien collaborateur du ministre socialiste Dominique Strauss-Kahn)…

Le profil centriste. Une personnalité politique perçue comme capable de travailler avec la gauche et la droite. A priori quelqu’un en fin de carrière, dans l’idée de ne pas faire concurrence aux futurs présidentiables qui lorgnent sur 2027. François Bayrou, 73 ans, est en tête de cette liste. Un homme comme l’ancien commissaire européen Thierry Breton, 69 ans, classé à droite en France mais qui a su travailler à Bruxelles avec les socialistes, pourrait correspondre.

Le profil politique. Deux options se présentent là. Soit Emmanuel Macron nomme un politique dans lequel il a confiance, comme l’actuel ministre de la Défense Sébastien le Cornu. Au risque que la gauche se cabre s’il tente quoi que ce soit d’autre que l’adoption d’un budget a minima. Soit le président accepte de nommer une personnalité de gauche, comme l’ancien premier ministre Bernard Cazeneuve, ou un(e) élu(e) connu(e) et respecté du PS. Ce serait alors l’exact contraire de la solution Barnier qui a raté.

Premier ministre d’une France ingouvernable, c’est jouable? Oui, avec beaucoup de «si», car ces conditions-là ne sont que celles indispensables à un «cessez-le-feu» politique, après l’incendie déclenché par le vote de la première motion de censure depuis… 1962!

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