Il n’a pas agi seul. La barbarie de son acte, commis au nom de l’État islamique, était préméditée. Ce n’est pas un «loup solitaire» qui a tué de plusieurs coups de couteau le professeur de lettres Dominique Bernard devant le lycée Gambette d’Arras. Les obsèques de celui-ci ont lieu ce jeudi.
Mohammed M. 20 ans, russe de nationalité et originaire de l’Ingouchie (Caucase) état un jeune musulman radicalisé, fiché «S» pour «sûreté de l’État». Sa sœur cadette a été interrogée par les policiers puis relâchée sans être inquiétée. Elle décrit l’engrenage de son engagement dans l’obscurantisme islamique préconisé par leur père, Iakub, expulsé en 2018.
En images, le portrait du tueur d’Arras
Ce jeune homme, devenu le symbole de la terreur qui s’est à nouveau abattu sur l’hexagone, n’était pas seul dans cette diabolique tour d’ivoire. Il y a aussi entraîné l’un de ses frères et l’un de ses cousins. Tous les trois ont été mis en examen et sont désormais incarcérés.
On pense au «djihadisme d’atmosphère», ce vent salafiste qui flotte dans l’air et que le conflit Hamas–Israël est peut-être en train de réveiller, le transformant en tempête. Mais pour Mohammed M., une autre haine agissait comme carburant de sa violence: celle de la démocratie et celle de la France.
«Vous m’avez entraîné en enfer» aurait-il dit aux policiers. La thèse de l’acte isolé ne tient pas. Ce réseau familial a prospéré au vu et au su des services de renseignements, qui avaient encore contrôlé l’assassin la veille de son passage à l’acte.
La théorie du loup solitaire est un piège. En 2012, elle a été évoquée pour la première fois à propos de Mohammed Merah, le terroriste franco-algérien tué par la police après avoir tué sept personnes et blessé six autres. Cette thèse a tout de suite été combattue par Gilles Kepel. L’universitaire français avait révélé quelques mois plus tôt l’appel au djihad lancé par la nébuleuse Al Qaïda, un an après les attentats du 11 septembre.
Depuis, cet expert arabisant ne décolère pas: «L’expression loup solitaire masque l’ignorance de ceux qui l’utilisent» confie-t-il à Blick. Tout comme Mohammed Merah, l’assassin d’Arras avait puisé dans les réseaux sociaux la propagande qui l’a transformé en terroriste.
Trois ans après Samuel Paty
Comment se prémunir contre ces attaques perpétrées par un homme seul endoctriné et résolu à mourir? Mohamed M. a tué à Arras avec deux couteaux. Il a choisi d’agir trois ans presque jour pour jour après le meurtre d’un autre enseignant, Samuel Paty, le 16 octobre 2020.
Six ans auparavant, dans un long message audio diffusé en septembre 2014 par l’un des médias de l’état islamique, le syrien Abou Mohammed Al-Adnani, porte-parole officiel de l’organisation et commanditaire de nombreux attentats, lançait: «Levez-vous, monothéistes, et défendez votre État depuis votre lieu de résidence, où qu’il soit […] Attaquez les soldats des tyrans, leurs forces de police et de sécurité, leurs services de renseignements et leurs collaborateurs.»
«Fracassez-lui le crâne avec une pierre»
Et d’ajouter: «Si vous ne pouvez pas faire sauter une bombe ou tirer une balle, leur dit-il, débrouillez-vous pour vous retrouver seul avec un infidèle français ou américain et tuez-le […] Ne consultez personne et ne cherchez de fatwa de personne. Que l’infidèle soit combattant ou civil est sans importance. Leur sentence est la même: ce sont tous deux des ennemis. Leur sang est permis.»