18 mois de prison requis
Gérard Depardieu se donne en spectacle à son procès

Depuis le début de la semaine au tribunal de Paris, Gérard Depardieu s'est défendu à la barre devant deux femmes qui l'accusent d'agressions sexuelles. Le parquet a requis 18 mois de prison avec sursis.
Publié: 27.03.2025 à 11:32 heures
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Dernière mise à jour: 27.03.2025 à 15:28 heures
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Gérard Depardieu est arrivé jeudi 27 mars à neuf heures au dernier jour de son procès.
Photo: keystone-sda.ch
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Richard WerlyJournaliste Blick

Le malaise est perceptible. Il s’est installé depuis que Gérard Depardieu, 76 ans, s’est pour la première fois avancé vers la barre pour confirmer son identité et sa date de naissance à la demande du tribunal. Et il est encore plus net maintenant, après le réquisitoire du procureur Laurent Guy: 18 mois de prison avec un sursis probatoire de trois ans à l’encontre du comédien, jugé pour «agressions sexuelles» sur deux femmes lors du tournage du film «Les Volets verts». Plus une inscription au Fijas, le fichier des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes.

L’acteur vedette, icône du cinéma français, a installé ce malaise lors de ses interventions. Il n’est pas venu au procès pour se justifier. Il est venu plaider pour lui-même, alors que son avocat Me Jérémie Assous a mené la charge contre les enquêteurs et les juges d’instruction accusés d’avoir bâché l’enquête et piétiné les droits de son client.

Dernier jour du procès

Ce jeudi 27 mars est le dernier jour du premier procès Depardieu. Un second est prévu, suite à la plainte déposée par l’actrice Charlotte Arnould, qui accuse l’acteur de l’avoir violé à son domicile parisien, et que l’avocat de la star a traitée de «menteuse». Le malaise de ce procès, d’ailleurs, vient aussi de la salle. Depardieu, assis sur une caisse utilisée lors des tournages, tourne le dos à ceux qui l’accusent et à ceux qui le soutiennent.

L’acteur suisse Vincent Perez et sa compagne Karine Silla – avec laquelle Gérard Depardieu a eu une fille, également présente – éatient venus en début de semaine pour soutenir celui qui incarna Cyrano de Bergerac. Dehors, une autre actrice, Anouk Grinberg, ne se remet pas d’avoir été expulsé de la salle d’audience pour une exclamation trop vocale contre celui qu’elle juge par avance coupable des faits qui lui sont reprochés: avoir agressé sexuellement deux femmes lors du tournage du fil «Les volets verts», en août-septembre 2021.

Depardieu raconte Depardieu

Et voici Gérard Depardieu, vêtu de noir depuis le début du procès. Chacune de ses interventions est centrée sur lui-même. «C’est vrai que, là où il n’y a que des hommes, il y a souvent des blagues un peu scabreuses. […] Ce sont des choses de l’ancien monde a-t-il déclaré mercredi. Je ne suis pas très à l’aise avec cette société nouvelle. Je pense que mon temps est fini.

L’acteur nie tout, Oui, il a bien touché l’une des victimes présumées, en cherchant selon lui à se raccrocher à elle après un échange houleux. Oui, il emploie bien le mot «chatte» dans son langage courant. Depardieu joue. Il est acteur. Il n’en rajoute pas mais il se donne en spectacle. C’est comme ça. «Je sais que la société a changé. Il y a des choses qu’on tolérait et qui ne sont plus tolérables» a concédé son amie Fanny Ardant, qui a témoigné en sa faveur puis l’a embrassé avant de quitte la salle d’audience. Des choses?

Les plaignantes ont disparu

Le plus symptomatique, lors de ce procès, est la quasi-disparition des deux plaignantes. L’avocat de Depardieu s’est employé, à ses risques et périls, à attaquer la procédure, les enquêteurs et leurs témoignages. L’acteur, lui, a pris les juges à témoin. «Je ne vais pas m’amuser, à 76 ans et avec mes 150 kg, à peloter une femme. Je ne suis pas un frotteur dans le métro» a-t-il lancé, agacé, dès son premier échange avec les magistrats.

Le sujet de ce procès est apparu simple, limpide, inévitable au fil de ces trois journées: peut-on ne pas croire Depardieu, cet «ogre cinématographique» qui, de facto, avait tous les droits sur un plateau? A-t-il exagéré ou agressé? On parle de mains aux fesses, de mains sur la poitrine, de formules affreusement sexistes et sexuelles. Comment passer du cinéma à la réalité?

Réquisitoire et plaidoiries

Ce jeudi était le jour du réquisitoire. La plaidoirie va durer toute l'après midi. Depardieu risquait 5 années de prison et une lourde amende. Il pourrait devoir acquitter plusieurs dizaines de milliers d'euros de dommages et intérêts. Il parle comme celui dont la carrière est finie, alors que bruit dans Paris son rachat d’un restaurant connu, proche du grand magasin «Le Bon Marché». Ce procès a failli tourner au pugilat verbal. Mais les juges ont fait en sorte qu’il ne leur échappe pas.

Arrivé au bras de son garde du corps, Depardieu, lui, s'est donné en spectacle. Comme s'il pensait que sa voix, sa personnalité, sa manière d’être sont toujours ses meilleurs arguments face à deux femmes condamnées par leur travail à l’ombre des plateaux.

L’acteur n’en a pas rajouté. Il n’a pas forcé le trait. Il est Depardieu, cet homme qui vit dans un film de cinéma depuis des décennies. Au point de ne plus comprendre, peut-être, que la vraie vie et ses règles continuent, elles, d’exister et de régir heureusement notre société.

Le jugement sera mis en délibéré.

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