Elle est en position de force. Et elle ne se prive pas d’en jouer, en cette rentrée politique française inédite. Marine Le Pen, 56 ans, sait que la survie politique du nouveau Premier ministre français Michel Barnier dépend beaucoup de l’attitude de son parti, le Rassemblement national. Celui-ci est, avec son groupe de 126 députés, la première formation à l’Assemblée nationale. Loin de la majorité absolue de 289 députés. Mais en position incontournable pour décider, ou non, le vote d’une motion de censure qui conduirait le nouveau chef du gouvernement à démissionner.
Le résultat de cette nouvelle donne politique française, issue des législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet, est de transformer Marine Le Pen en cheffe de parti courtisée, et en tout cas impossible à marginaliser. Ironie du sort: son parti national-populiste, après avoir fait les frais d’un Front républicain entre les deux tours, se retrouve sur le devant de la scène.
Tout le monde s’interroge sur ses votes prochains. Certains commentateurs estiment qu’une alliance secrète a été nouée entre elle et le président de la République. D’autres observateurs estiment que Michel Barnier, 73 ans, est «sous la surveillance» du RN. Bref: les 126 députés RN sont au centre du jeu alors que tous les autres partis politiques s’étaient désistés pour leur faire barrage dans les urnes.
Premières réponses
Ce dimanche 8 septembre à Hénin Beaumont, son fief électoral du Nord de la France, l’ex-candidate à l'élection présidentielle de 2012, 2017 et 2022 (battue en finale lors des deux dernières par Emmanuel Macron), a apporté ses premières réponses.
Non, elle n’a pas donné son accord à un gouvernement Barnier, même si elle se félicite que ce Premier ministre conservateur ait été choisi, plutôt qu’un chef de gouvernement de gauche. Non, le RN ne fait pas partie d’une quelconque «coalition silencieuse» qui, dans les coulisses, permettrait à Emmanuel Macron de présider jusqu’à la fin de son second mandat.
La fille de Jean-Marie Le Pen, 94 ans, entend donc poursuivre son chemin et rester en embuscade. Avec un seul ordre de marche donné à ses troupes: afficher le meilleur visage, miser sur la respectabilité, et capitaliser sur les colères des Français face à l’insécurité, l’immigration et la précarité économique liée à la dégradation du pouvoir d’achat.
La question centrale est en fait de savoir si Marine Le Pen peut profiter de ces trois prochaines années pour briser enfin le plafond de verre qui, jusque-là, lui a interdit la victoire au second tour de la présidentielle. Possible en 2027? Oui, répondent désormais toutes les enquêtes d’opinion, d’autant que son parti, fort de nouvelles ressources budgétaires liées à ses très bons résultats électoraux, va pouvoir se renforcer et acquérir l’expertise, voire les talents qui lui manquent. 2024-2027: ces trois années peuvent lui servir de tremplin. Avec pour objectif d’atterrir à l’Élysée.
Route de la présidence
Deux éléments négatifs peuvent en revanche lui barrer la route. Le premier est, paradoxalement, ce Premier ministre «sous surveillance» nommé Michel Barnier. S’il réussit à éviter la motion de censure et à gouverner, ce vétéran de la politique, conservateur revendiqué, pourrait devenir un sérieux candidat à la succession d’Emmanuel Macron.
Deuxième élément: Marine Le Pen peut, ces prochains mois, trébucher sur des embûches. La première sera le procès de son parti, qui s’ouvre le 30 septembre, pour détournements de fonds publics via l’utilisation frauduleuse d’assistants parlementaires du Parlement européen. Son inéligibilité pourrait être prononcée en cas de condamnation. La perspective de 2027 s’éloignerait…
Conditions requises
Marine Le Pen présidentiable? Oui, difficile d’en douter. Marine Le Pen présidente? On n’y est pas encore, mais les conditions requises sont de plus en plus réunies. À une exception près, de taille: le rejet massif du Rassemblement national dans une partie majoritaire du pays, comme l’a prouvé le Front républicain des législatives.