Fiché S. Français d’origine iranienne. Converti à l’islam radical à l’âge de 16-17 ans. Emprisonné quatre ans pour une tentative d’attentat au couteau, en 2016, dans le quartier parisien des affaires de la Défense, puis libéré en 2020. Armand R…, 26 ans, dont la presse française a très vite donné le nom complet, est toujours en garde à vue à l’heure d’écrire ces lignes.
«Allah Akbar»
Même s’il est officiellement suspecté, sa culpabilité ne semble faire aucun doute. Il «assume et revendique totalement son geste» et «tout laisse à penser qu'il a agi tout seul», a indiqué lundi à l'AFP une source proche de l'enquête.. Il dit avoir agi en «réaction à la persécution des musulmans dans le monde« et apparaît «très froid et clinique et désincarné»
Selon le procureur antiterroriste français, sa vidéo de revendication, mise en ligne sur le réseau social X avant d’agresser trois personnes samedi 2 décembre à Paris (un touriste germano-philippin mort après avoir été poignardé, un Anglais et un Français blessés après avoir été frappés au marteau), «apportait son soutien aux jihadistes agissant dans différentes zones».
Une revendication précédée, selon le magistrat Jean-François Ricard, «de nombreuses publications sur le Hamas, Gaza et plus généralement la Palestine». Le suspect a enfin crié «Allah Akbar» sur les lieux de son agression, puis de son interpellation par la police dans un square, à une centaine de mètres de la Tour Eiffel, l’iconique symbole de la capitale française.
Il faut, pour comprendre ce qu'il s’est passé samedi vers 21h30 près du Pont Bir Hakeim – un endroit où de nombreux touristes viennent se faire photographier –, réécouter la conférence de presse donnée par Jean-François Ricard. Ce dernier a décrit, en peu de mots, l’implacable réalité d’une famille, d’une police et d’une administration pénitentiaire impuissantes face à la dérive ordinaire d’un adolescent déséquilibré, souffrant de maux psychiatriques, que sa mère avait vu «se refermer sur lui-même» au fur et à mesure de l’emprise de la radicalisation.
Domicilié chez ses parents
Domicilié chez ses parents dans l’Essonne (sud de Paris) depuis sa sortie de quatre années de détention en 2020, Armand R… avait, selon des fuites policières, juré «ne plus être musulman», après son séjour en prison. Il semblait s’être «détaché de la religion» lors de sa remise en liberté.
Puis l’étau extrémiste, nourri par internet, s’est refermé de nouveau sur ce jeune homme à la personnalité «très influençable», «très instable» selon les psychiatres. Laissé ces dernières semaines sans contrôle judiciaire et médical strict, malgré la recommandation de suivre un traitement à base de neuroleptiques, il figurait parmi les 12 000 fichés «S» de la police, pour radicalisation islamique potentiellement dangereuse. C’est à la suite de l’interruption de son traitement, en août 2022, que sa dérive aurait repris son cours. Le ministre de l'Intérieur français Gérald Darmanin a parlé d'un «ratage psychiatrique».
Le poids de l’actualité
Difficile, toutefois, de ne pas lier cette rechute et son agression meurtrière à l’actualité. En France, l’attaque mortelle au couteau contre un enseignant à Arras, le 13 octobre dernier, a remis le terrorisme «à la une». Simultanément, la déferlante d’images depuis l’assaut du Hamas contre Israël le 7 octobre a certainement joué un rôle.
Né en 1997 à Neuilly-sur-Seine, banlieue loin d’être un bastion de l’exclusion sociale, Armand R.., iranien d’origine, a-t-il trouvé dans les vidéos de Gaza écrasée sous les bombes, et des Juifs tués par les commandos du Hamas, une raison de passer à l’acte? Ce scénario est d’autant plus possible que l’intéressé comme tant d’autres, a retrouvé dans cette actualité les éléments qui l’avaient fait, voici dix ans, basculer dans l’islam salafiste radical.
Sergent-recruteur
Tout commence pour lui vers 2013, lorsqu’un sergent-recruteur de la terreur lui met la main dessus via internet. Maximilien T… gravitait au sein des «Cavaliers de la fierté» (Forsane Alizza), groupuscule islamiste radical dissous en 2012 après avoir fait piétiner le Code Pénal par ses disciples, prôné l’instauration de la charia et défendu la transformation de la République en califat.
Le héros de ses membres? Oussama ben Laden. Leurs ennemis jurés? Les laïcs et les Juifs. Maximilien T… mort pendant la bataille de Mossoul (Irak) en 2016, était selon les services de renseignement un tireur d’élite de l’État islamique. Sa veuve, Mélina Boughédir a été condamnée en juin 2018 à la prison à perpétuité par la justice irakienne.
Le reste est affaire de circonstances. Une fois planté, alimenté par les images du Yémen, de Syrie, d’Afghanistan et aujourd’hui de Gaza, le virus de la haine a pu prospérer. Sans toutefois éveiller les soupçons. «Au 21 avril 2023, le médecin coordonnateur du suivi des soins dans ses rapports successifs ne concluait pas à la nécessité de reprendre un suivi médicamenteux. Aucune dangerosité d’ordre psychiatrique n’avait été identifiée» note le quotidien français Le Monde.
Combustible de la terreur
Erreur de diagnostic ou nouvelle preuve de la «Taqiya», cet art de la dissimulation dont sont adeptes les djihadistes? L’emprise des événements sur des adolescents perdus, malades psychiatriques, peut en tout cas toujours conduire au pire.
Dans une France où vivent environ six millions de Musulmans – et où des centaines de détenus radicalisés interpellés et jugés à la suite des terribles attentats de 2015 –, le combustible de la terreur peut, malheureusement, brûler encore longtemps.