C’est reparti pour une nouvelle saison de colère parlementaire et de ressentiment démocratique en France. D’emblée, la Première ministre Elisabeth Borne a en effet dégainé mercredi 27 septembre la procédure d’urgence de l’article 49.3 de la Constitution pour faire adopter le projet de budget 2024, caractérisé par des promesses d’économies de 16 milliards d’euros que beaucoup d’observateurs jugent assez mensongères.
Cette procédure permet au gouvernement d’éviter un vote à l’Assemblée nationale, où il ne dispose que d’une majorité relative, en engageant sa responsabilité. Une motion de censure au moins sera examinée et soumise au vote au début octobre, déposée par la gauche. Si elle recueille une majorité de voix des députés, le gouvernement sera renversé. Mais cela paraît à ce jour très improbable.
Une impasse pour Macron
La colère parlementaire n’est pas liée au seul projet de budget présenté par le ministre des Finances Bruno Le Maire. Elle est surtout le résultat d’une impasse dont Emmanuel Macron n’a toujours pas réussi à sortir depuis les élections législatives de juin 2022. Le président français, qui n’a pas de majorité absolue, pensait pouvoir réunir sur des textes de loi importants, des majorités ad hoc, en particulier en misant sur les voix des députés de la droite traditionnelle. Erreur. Ceux-là campent sur leur opposition.
L’autre risque, pour le gouvernement, était que le débat budgétaire s’éternise sur ce projet de loi de finances qui entérine un déficit public de 4,4% en 2024 (contre environ 5% cette année) et 11 milliards d’euros de déficit pour la sécurité sociale. La France devra emprunter l’an prochain sur les marchés financiers le montant record de 285 milliards d’euros pour boucler ses fins de mois, alors que sa dette publique dépasse déjà les 3000 milliards d’euros, soit environ 110% de son produit intérieur brut. Sans la procédure du 49.3, les oppositions auraient sans doute fait tomber une pluie d’amendements sur ce texte, dans une période marquée par les peurs en matière de pouvoir d’achat.
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Un référendum pour relégitimer le président et son gouvernement?
Cette saison 2 du 49.3 confirme que l’exécutif français aura le plus grand mal à faire voter d’autres textes décisifs, comme le projet de loi sur l’immigration attendu début novembre, et très controversé. Il relance donc l’hypothèse avancée par Emmanuel Macron lors de sa rencontre avec les dirigeants des partis politiques, le 30 août dernier, d’un possible référendum, afin de relégitimer le président et son gouvernement.
Il faut toutefois bien comprendre que la procédure du 49.3, constitutionnelle, permet en France de passer en force sans trop de risques, tant que la gauche, la droite et l’extrême droite n’ont pas décidé d’unir leurs voix pour faire tomber le gouvernement. Elisabeth Borne devrait l’utiliser à nouveau lorsque le projet de budget reviendra devant les députés, après son examen au Sénat. Le calcul de l’Elysée est donc simple: démontrer qu’il n’y a pas de majorité alternative ou «de rechange», et jouer la Constitution contre un éventuel chaos politique qui serait engendré par la chute du gouvernement. Le président, en France, peut par ailleurs dissoudre l’Assemblée nationale si celle-ci devait censurer son action, entraînant de nouvelles élections.