Vladimir Poutine et Thomas Bach sont prévenus. La France ne souhaite pas voir flotter le drapeau russe sur Paris lors des Jeux olympiques d’été de Paris qui s’ouvriront le 26 juillet 2024. C’est Emmanuel Macron qui vient de l’affirmer dans le quotidien sportif «L’Équipe». Pas question d’accueillir les couleurs (bleu-blanc-rouge, comme la France, mais dans un ordre différent et sur le plan horizontal) d’un pays dont l’armée commet «des crimes de guerre», assène le président français. Ce dernier ferme ainsi clairement la porte à Moscou.
Pourquoi cette fermeté? On se souvient qu’en 1980, la France n’avait pas boycotté les JO dans la capitale russe, malgré l’invasion de l’Afghanistan par l’ex-URSS quelques mois plus tôt, en décembre 1979. Explications d’un bras de fer annoncé avec le Comité international olympique (CIO) basé à Lausanne.
Macron sait ce que signifie ce drapeau
L’actuel drapeau de la Russie est en vigueur depuis le 1er décembre 1993. Et il en dit long sur les ambitions de cet immense pays, dont il fut l’oriflamme dès le règne du Tsar Pierre le Grand, à la fin du XVIIe siècle. La bande horizontale blanche? Elle signifie la liberté et l’indépendance. Soit. Le rouge? La souveraineté et la puissance, ce qui est beaucoup plus problématique après l’agression russe contre l’Ukraine de février 2022. Le bleu? C’est la couleur de la foi et de la Vierge, protégeant la Sainte Russie. La référence à la religion orthodoxe protectrice de la Russie est évidente.
Ce drapeau, s’il flotte dans Paris, serait donc de facto une insulte à la délégation ukrainienne. Les trois couleurs de l’étendard russe ont d’ailleurs disparu, à Paris, du toit de la Cathédrale russe de la Sainte Trinité, sur les rives de la Seine. Là où se déroulera, justement, la cérémonie d’ouverture des J.O.
Macron pousse au boycott des athlètes Russes
En parlant ainsi à «L’Équipe», Emmanuel Macron envoie un signal clair au Comité International Olympique: les athlètes russes ne sont pas les bienvenus en France. D’autant que plusieurs d’entre eux sont des militaires de carrière, et que le lien entre le sport de haut niveau et la puissance russe est une tradition héritée de l’ex-URSS. «Je souhaite que ce soit une décision en conscience du monde olympique […] ce n’est pas l’Etat hôte qui doit décider de ce que le CIO doit faire […] je fais totalement confiance à Thomas Bach», explique le président français dans le quotidien sportif juste avant l’ouverture de la coupe du monde de rugby ce vendredi.
Le chef d'Etat invoque même une piste pour une possible exclusion partielle d’athlètes connus pour leur défense du régime de Vladimir Poutine: «La vraie question que le monde olympique devra trancher, c’est quelle place donner à ces athlètes russes qui parfois se sont préparés toute une vie, et peuvent aussi être les victimes de ce régime […] C’est la vraie question et donc c’est là où le monde olympique a, en conscience, son avis à donner et des garanties à préciser […] Voilà l’exercice d’équilibriste que nous devrons mener». Pas de délégation russe en tant que telle = pas de drapeau russe. L’équation est simple.
Macron affiche sa fermeté envers Poutine
On se souvient des fameuses images de l’ultime rencontre entre Emmanuel Macron et Vladimir Poutine le 7 février 2022 au Kremlin, à six mètres de distance, de part et d’autre de la fameuse table supposée protéger le président russe d’une contamination par le Covid.
On se souvient aussi, le 3 mars 2022, soit deux semaines après le début de la guerre en Ukraine, de l’échange téléphonique surréaliste entre les deux dirigeants. Lors de cet appel, Vladimir Poutine promet «le pire», et abrège la conversation pour une partie de hockey. De nombreuses accusations de faiblesse de Macron envers Poutine ont suivi. Le président français a été très critiqué pour avoir répété qu’il ne faut pas «humilier la Russie». Il a maintenant changé de posture. Il ne croit plus possible un retour sincère du Kremlin à la table des négociations de paix. Fin de partie.
Macron redoute la propagande russe
Le président français connaît la force de l’appareil russe de propagande. Son pays en fait les frais en Afrique, où la milice Wagner opère non seulement des troupes de mercenaires, mais aussi une véritable industrie médiatique anti-française. Or voir à Paris le drapeau russe flotter lors des JO reviendrait à laisser à Moscou une belle opportunité. Imaginez le drapeau de la Russie sur fond de tour Eiffel, diffusé sur tous les écrans?
Pour les soldats russes engagés en Ukraine, cette réhabilitation sportive aurait aussi de l’importance. Et n’oublions pas, en France, le poids et l’influence du lobby pro-russe au sein de la classe politique. Un récent rapport de l’Assemblée nationale l’a encore pointé du doigt en mai. Derrière le drapeau pourrait s’engouffrer une tentative de réhabilitation de la Russie très mal venue, et juste inacceptable alors que le conflit en Ukraine sera probablement toujours d’actualité à l’été 2024.
Macron craint les manifestations pro-Ukraine
La sécurité des Jeux olympiques d’été 2024 à Paris est un casse-tête majeur pour le gouvernement français. Ce casse-tête est renforcé par la décision de célébrer l’ouverture des Jeux par une cérémonie sur la Seine, qui traversera Paris, devant une foule estimée à 600'000 personnes! L’occasion rêvée pour les activistes pro-ukrainiens et anti-russes de se montrer et d’agir, surtout si le drapeau de la Russie flotte sur la capitale française.
On a vu l’émotion suscitée par le cas d’Olga Kharlan, l’escrimeuse ukrainienne disqualifiée pour avoir refusé de serrer la main d’une Russe en juillet 2023, aux championnats du monde à Milan. Le président français renvoie le CIO à ses responsabilités. Peut-on, dans ce contexte, traiter la Russie comme un état ordinaire, pour le centenaire des Jeux olympiques supposés incarner la concorde et l’entente sportive mondiale? La réponse présidentielle est non.