Encore un procès pour Nicolas Sarkozy: l'ex-chef de l'Etat est attendu au tribunal de Paris lundi après-midi, cette fois pour répondre, pendant quatre mois et aux côtés de trois anciens ministres, d'accusations de financement illégal de sa campagne de 2007 par la Libye de Mouammar Kadhafi. L'ancien président, 69 ans, sera présent pour l'ouverture de son procès à 13H30, assure son entourage, le disant «combatif» et «déterminé» à prouver son innocence face à ce qu'il a toujours qualifié de «fable».
Il est accusé d'avoir passé fin 2005, notamment avec l'aide de ses très proches Brice Hortefeux et Claude Guéant, un «pacte de corruption» avec le richissime dictateur libyen tombé en 2011, pour qu'il «soutienne» financièrement son accession à l'Elysée. C'est le cinquième procès en cinq ans de Nicolas Sarkozy, condamné en première instance et en appel dans le dossier Bygmalion (sur le financement de sa campagne de 2012, il a formé un pourvoi en cassation), et dans le dossier Bismuth.
Condamné dans l'affaire «des écoutes»
Dans cette dernière affaire, dite «des écoutes», son pourvoi a été rejeté mi-décembre, rendant définitive sa condamnation à un an de prison ferme sous bracelet électronique, une sanction inédite pour un ancien président. Il ne porte pas encore de bracelet - cela peut prendre plusieurs semaines – ce qui lui a permis de passer ses vacances aux Seychelles, avec sa femme, la chanteuse Carla Bruni, et leur fille.
Le procès débutera avec l'appel des 12 prévenus, des parties civiles et des témoins, avant les questions de procédures, qui devraient occuper le tribunal toute la première semaine. Les audiences auront lieu les lundi, mercredi et jeudi après-midi, jusqu'au 10 avril. Nicolas Sarkozy sera selon son entourage présent à chaque audience pendant le premier mois, consacré aux soupçons de financement. Des volets annexes seront abordés les semaines suivantes.
Jugé pour corruption, recel de détournement de fonds publics, financement illégal de campagne et association de malfaiteurs, il encourt 10 ans de prison et 375.000 euros d'amende, ainsi qu'une privation des droits civiques (donc une inéligibilité) allant jusqu'à 5 ans. «Il va combattre la construction artificielle imaginée par l'accusation. Il n'y a aucun financement libyen de la campagne», a déclaré son avocat, Me Christophe Ingrain.
«Pacte de corruption»
L'accusation estime que le «pacte de corruption» s'est noué à l'automne 2005 à Tripoli, sous la tente de Mouammar Kadhafi, connu pour être très généreux avec ses visiteurs étrangers. Nicolas Sarkozy était alors un ambitieux et très médiatique ministre de l'Intérieur pensant à la présidentielle «pas simplement quand (il se) rase». Sa visite en Libye était officiellement consacrée à l'immigration clandestine.
L'accusation n'a pas pu établir un montant total exact du financement présumé. Mais après 10 ans d'enquête, un «faisceau d'indices» a convaincu les juges d'instruction de l'existence de ce soutien financier. Les magistrats se sont notamment appuyés sur les déclarations de sept anciens dignitaires libyens, les déplacements discrets en Libye de Claude Guéant et Brice Hortefeux, des virements suspects ou les carnets de l'ex-ministre libyen du Pétrole Choukri Ghanem, retrouvé noyé dans le Danube en 2012.
Les contreparties supposées? D'abord une réhabilitation internationale: Kadhafi sera accueilli en grande pompe par Nicolas Sarkozy fraîchement élu président lors d'une visite controversée à Paris, première depuis trois décennies.
Des «valises» d'argent
Mais aussi la signature de gros contrats et un coup de main judiciaire à Abdallah Senoussi, directeur des renseignements libyens condamné à perpétuité en son absence en France pour son rôle dans l'attentat du DC-10 d'UTA en 1989, qui a coûté la vie à 170 personnes dont 54 Français. Une vingtaine de proches sont parties civiles au procès.
Parmi les prévenus figurent l'ex-ministre Eric Woerth, trésorier de la campagne, dans laquelle du cash d'origine inconnue a circulé selon l'enquête. Ainsi que deux hommes de l'ombre, rompus aux négociations internationales parallèles: le discret Alexandre Djouhri et le sulfureux et versatile Ziad Takieddine - aujourd'hui en fuite au Liban.
Sur un compte de ce dernier ont été retrouvés trois virements des autorités libyennes pour 6 millions d'euros au total; et il a décrit des «valises» remises à Claude Guéant, contenant des «grosses coupures». L'avocat de l'ancien ministre, Me Philippe Bouchez El Ghozi, a dénoncé «une somme d'assertions, d'hypothèses et autres approximations».