Éric Zemmour peut se frotter les mains. Après l’élection ce dimanche 11 décembre d’Éric Ciotti à la tête des Républicains, le parti crée en 2015 par Nicolas Sarkozy sur les décombres de l’UMP, les options défendues par l’ancien éditorialiste de CNews sont presque toutes validées. Une droite française recentrée sur les questions d’immigration et de sécurité. La volonté de tenir le plus possible Emmanuel Macron à l’écart…
Proximité avec le leader de «Reconquête»
«Depuis plus de mille ans, la France écrit l’histoire du monde, depuis plus de mille ans la France est aux avant-postes des nations qui écrivent l’histoire. […] Ce glorieux héritage couplé au génie français a permis à notre pays de traverser toutes les guerres et toutes les crises. Mais la France se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins. Elle est engagée sur la pente dangereuse du déclin, elle est menacée de déclassement […] par l’immigration massive qui a provoqué communautarisme, insécurité, islamisme et terrorisme. Ces phénomènes et leurs acteurs viennent remettre en cause l’existence même de notre pays, de nos valeurs et de notre identité.» Fin 2021, le préambule du programme de Ciotti, alors candidat à la primaire de la droite, ressemblait à s’y méprendre à celui du leader du parti Reconquête.
Battu par Pécresse, il a évité le désastre présidentiel
Comment expliquer, un an après, la victoire d’Éric Ciotti, battu voici quelques mois dans la course à l’Élysée par Valérie Pécresse, laquelle s’est ensuite retrouvée laminée dans les urnes avec 4,78% des voix? La réponse tient en trois mots: ténacité, radicalité et efficacité.
Ténacité, parce que le député des Alpes-Maritimes de 57 ans n’a jamais lâché prise, malgré ses revers face aux autres poids lourds de droite du midi de la France que sont Renaud Muselier (réélu à la tête de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur en juin 2021) ou Christian Estrosi (réélu en 2020 maire de Nice). Radicalité, parce que ce militant endurci, encarté au RPR à l’âge de 16 ans, a toujours détesté le centre et les compromis avec la gauche. Efficacité, parce que son élection dominicale face au sénateur vendéen Bruno Retailleau est en fait celle du tandem qu’il forme avec le très influent président de la région Rhône-Alpes frontalière de la Suisse, Laurent Wauquiez, dont il défend la candidature présidentielle en 2027.
Un parcours plein sud
Ciotti, c’est d’abord un parcours plein sud, coté Nice et Côte d’Azur. Chez lui, tout ou presque est question de frontière. D’origine italienne, Éric Ciotti pense, comme Eric Zemmour, que la France est menacée par les migrants. Autre caractéristique: sa capacité à s’affranchir de ceux qui l’ont fait. Christian Estrosi l’avait pris comme assistant parlementaire lorsqu’il était député. Erreur: le maire de Nice l’a ensuite retrouvé face à lui. L’ex-maire de Marseille octogénaire, Jean-Claude Gaudin, l’avait un temps pris sous son aile. Erreur: Ciotti l’a ensuite trahi.
Sur le plan de la méthode personnelle, sa détermination sans états d’âme le rapproche de Laurent Wauquiez, qui tua politiquement son père centriste Jacques Barrot en Auvergne, ou d’un Nicolas Sarkozy, qui voulut tuer Jacques Chirac. Comme Sarkozy avec Cécilia, l’ambition du député des Alpes maritimes a aussi longtemps été indissociable de celle de son ex-épouse, aujourd’hui accusée d’avoir profité d’emplois fictifs. Celle-ci aurait cumulé jusqu’à trois emplois à temps partiel pour assister son mari. Une enquête pour «détournement de fonds publics» a été ouverte.
Une droite forte qui ne craint pas la polémique
Ciotti, c’est surtout une conviction: pour exister, la droite doit être forte, et ne pas craindre la polémique. Un mélange de Sarko coté stratégie, et de Zemmour coté discours et pensée politique. En arrière-plan, juste pour la photo? Le képi du Général de Gaulle, dont Zemmour avait mimé l’allocution du 18 juin 1940 pour le lancement de sa campagne présidentielle. Dans sa tête? La conviction que les électeurs de Marine Le Pen et du Rassemblement national sont assez largement d’ex-électeurs de gauche, avant tout demandeurs de subsides sociaux.
Ciotti voit la droite française comme la famille politique des décideurs, des meneurs et de ceux qui tiennent dans leurs mains la création de richesses. Il plaît aux notables. Il croit au travail. Il se veut l’héritier d’une droite bourgeoise décomplexée. Sarkozy-Zemmour en mode d’emploi. Le premier pour sa capacité à s’imposer au sein du parti, son goût de l’argent et ses méthodes brutales. Le second pour sa conviction que l’époque Le Pen est révolue, malgré les 41,4% du second tour de la présidentielle. Pour Éric Ciotti, la droite va renaître dès que Macron aura déserté l’Élysée.
Agonie des Républicains ou début de résurrection?
Au final? Un programme identitaire copié-collé d’Éric Zemmour qui, logiquement, a décrit cette élection de Ciotti à la tête des Républicains comme la preuve de leur «agonie». À une différence près cependant: la très fine connaissance des réseaux locaux de la droite, de son maillage territorial et des instruments de conquête du pouvoir. Moins bon orateur que Zemmour, Éric Ciotti ressemble plutôt à ce que fut Brice Hortefeux pour Sarkozy: un chef d’État-major prêt à tout.
La véritable annonce de ce dimanche est donc la mise sur orbite présidentielle de Laurent Wauquiez. Ce tandem-là, qui allie charisme et efficacité, espère reprendre le dessus, surmonter les divisions du parti déjà fracturé par Macron, et sortir la droite de son impasse actuelle, avec sa soixantaine de députés. À moins que, d’ici à 2027, l’outsider Ciotti ne se sente à son tour pousser des ailes de favori...