Chaque matin, Blick plonge dans le volcan politique français que la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron est en train de faire exploser. Jusqu’au résultat du second tour des législatives le 7 juillet. Un voyage quotidien dans les coulisses du grand jeu du pouvoir, vu de Suisse. Des rires. Des larmes. De l’espoir. Et pas mal de chaos. Bienvenue sur la crête du volcan français.
Au lendemain du premier tour: Les Français ont-ils vraiment tué Macron et choisi Bardella?
Macron est politiquement mort, c’est vrai?
Non. Emmanuel Macron reste président de la République et son mandat s’achèvera en mai 2027. Le président français a, en plus, répété dans une lettre à ses concitoyens qu’il ne démissionnera pas. Place, donc, au face-à-face, car sur le plan politique, une chose est sûre: Macron le joueur de poker a perdu la main. Son grand bluff de la dissolution de l’Assemblée nationale prononcée le 9 juin s’est transformé en camouflet électoral. La coalition présidentielle ensemble, avec au maximum une centaine de députés capables de l’emporter au second tour (sur 250 sortants) est en lambeaux, même si elle ne disparaît pas et que le Premier ministre Gabriel Attal (en ballottage favorable) espère encore reconstituer une large coalition. Le chef de l’État, qui ne peut pas se représenter, n’a guère de moyens de se faire respecter. Il a juste diffusé un communiqué hier soir. Et il lui faudra attendre au moins un an pour dissoudre à nouveau l’Assemblée nationale.
En résumé: La «clarification» a bien eu lieu. Et Macron en est le grand perdant.
Le second tour est plié, c’est juste?
Pas du tout. Disons que le Rassemblement national est aux portes du pouvoir en France, car toutes les projections entrevoient la possibilité pour le RN, d’atteindre dimanche soir prochain les 289 sièges, seuil pour la majorité absolue des députés. Mais attention: si le RN arrive largement en tête avec près de 33,15% des suffrages, et si plusieurs de ses ténors élus au premier tour (Marine Le Pen dans le Pas-de-Calais, Sébastien Chenu dans le Nord, Julien Odoul dans l’Yonne…), les projections lui donnent entre 220 et 280 élus, soit un gouffre. Plus le RN approchera des 289 députés, plus il sera incontournable. Plus il s’en éloignera, plus il pourra être tenu à l’écart du pouvoir malgré la forte poussée en sa faveur. Le système français permet, rappelons-le, à tous les candidats ayant obtenu 12,5% des inscrits de se maintenir au second tour. La gauche et les macronistes ont appelé à faire barrage au RN (contrairement à la droite traditionnelle), ce qui devrait multiplier le nombre des duels. Les candidats doivent se décider d’ici mardi 2 juillet à 18 heures. Rappelons que le Rassemblement national a potentiellement moins de réserves de voix que ses adversaires si ces derniers unissent leurs forces. Une coalition majoritaire alternative au RN serait néanmoins une très grosse surprise.
En résumé: Le RN part grand favori pour le 7 juillet.
Bardella premier ministre, c’est sûr?
Disons que le jeune eurodéputé et président du RN a mis, de loin, un pied dans la porte de l’Hôtel Matignon, siège du premier ministre. La majorité absolue pour le RN étant atteignable, il va par conséquent utiliser cette semaine pour s’y préparer, et sans doute nouer des contacts en vue de former un gouvernement avec des ralliés de droite. «Tout le monde va aller à la soupe: hauts fonctionnaires, anciens élus, anciens ministres», prédit l’ex sénateur macroniste André Gattolin, spécialiste de la carte électorale. Jordan Bardella a l’appui de Marine Le Pen. La constitution française prévoit que le président nomme le premier ministre qui «dirige l’action du gouvernement». Lequel «détermine et conduit la politique de la nation». Il n’est donc pas exclu que même en cas de majorité absolue RN, Emmanuel Macron désigne quelqu’un d’autre. Bref, l’affaire reste à conclure. Le scénario catastrophe pour le jeune leader national-populiste serait un barrage «républicain» efficace, et l’émergence d’une autre majorité. Il se consacrerait alors à son mandat européen et à la future campagne présidentielle de Marine Le Pen.
En résumé: Jordan Bardella en est encore au flirt avec Matignon.
La gauche résiste, c’est possible?
Il faut s’entendre sur les mots. Le Nouveau Front Populaire, cette union de la gauche constituée en quelques jours après la dissolution du 9 juin, a réussi un miracle: éviter la dislocation et contenir la poussée du RN. Avec environ 30% des voix, les formations qui composent le NFP peuvent même, en théorie, imaginer se retrouver au sein d’une future majorité composite avec les Macronistes. C’est ce que Gabriel Attal, le premier ministre sortant, a laissé entendre. Sauf que les dirigeants du centre entretiennent toujours le flou sur le vote en faveur des candidats de La France Insoumise (LFI), dont les candidats peineront à obtenir les reports de voix indispensables pour battre le RN. Or sans LFI, bien partie pour obtenir environ 70 députés, les chances de victoire électorale de la gauche seront nulles le 7 juillet. Une incontestable dynamique s’est en revanche enclenchée. Dans ses bastions des quartiers et des banlieues, les Insoumis de Mélenchon tiennent solidement.
En résumé: L’union de la gauche a payé, mais Mélenchon reste le problème.
Une cohabitation avec le RN, c’est jouable?
Institutionnellement, elle est absolument possible. Jordan Bardella s’y prépare d’ailleurs puisqu’il a répété être respectueux de la fonction présidentielle, même s’il a promis d’être intransigeant sur l’application de son programme. La France a jusque-là connu trois cohabitations, ce qui désigne la nomination par le président de la République d’un premier ministre du camp opposé, suite au résultat des législatives. Mitterrand-Chirac de 1986 à 1988. Mitterrand-Balladur de 1993 à 1995 et Chirac-Jospin (1997-2002). Les Français aiment ce type de situation qui permet de tempérer le pouvoir présidentiel, et d’avoir une alternance politique aux dommages limités, puisque chacun se surveille. Cette fois, l’enjeu est néanmoins différent avec le RN, parti anti-européen qui se retrouverait en confrontation directe avec Macron.
En résumé: Les électeurs viennent de montrer qu’ils sont les patrons.