Pays les plus boisés d'Europe, la Suède et la Finlande ne protègent pas suffisamment leurs forêts primaires et anciennes en y autorisant l'abattage, au point de ne pas respecter leurs engagements européens, estime le Fonds mondial pour la nature (WWF) dans un rapport publié jeudi.
«Des milliers d'hectares de forêts présentant une grande valeur de conservation sont abattus chaque année, malgré leur importance pour la stabilité du climat, la biodiversité et la santé écologique à long terme», précise l'organisation dans un communiqué.
Les deux pays nordiques «exploitent des failles juridiques» pour permettre l'abattage d'arbres dans des forêts qui devraient être protégées selon la réglementation européenne, estime le Fonds.
Qu'est-ce qu'une «forêt ancienne»?
Les avis divergent entre l'UE d'un côté et la Finlande et la Suède de l'autre. Stockholm jongle entre trois différentes définitions, tandis que Helsinki a récemment proposé un critère strict de ce qui constitue une telle forêt, réduisant l'étendue de la protection exigée par l'Union européenne de ces bois sur son sol, selon les critiques.
Le WWF demande que la Suède protège une part plus importante de ses forêts, en les cartographiant et en imposant un moratoire sur la sylviculture dans certaines zones. Les propriétaires privés de forêts disent se conformer à la législation actuelle et plaident pour ce type d'abattage, qu'ils jugent raisonné.
«Personne ne coupe des arbres juste pour le plaisir, c'est parce qu'il y a un besoin dans la société. Et si on n'utilisait pas des produits en bois, qui n'ont aucun d'impact négatif sur le climat, il faudrait alors utiliser davantage de produits fossiles qui ont toujours un impact négatif sur le climat», justifie Magnus Kindbom, en charge des forêts au sein de la Fédération nationale des agriculteurs (LRF).
«C'est le dilemme dans lequel nous vivons, comment trouver le meilleur compromis entre avoir accès à plus de biomasse pour améliorer le climat et comprendre quel est son impact sur la biodiversité», ajoute-t-il.
Une grosse part de l'emploi
En Suède, l'industrie forestière représente 9 à 12% de l'emploi total, des exportations, du chiffre d'affaires et de la valeur ajoutée de l'ensemble de l'industrie suédoise, selon Skogsindustrierna, organisation professionnelle représentant les entreprises des secteurs de la pulpe, du papier et de l'industrie de la transformation du bois.
En même temps, les forêts, deuxième puits de carbone après les océans, atténuent le changement climatique. D'où l'intérêt de les préserver, argue le WWF.
Selon la loi européenne sur la restauration de la nature entrée en vigueur en août, 20% des espaces naturels (forêts, marais...) doivent être revenus d'ici à 2030 à l'état dans lequel ils étaient dans les années 1950. Toutes les forêts, qu'elles soient naturelles ou cultivées pour la sylviculture, et pas seulement dans les zones naturelles protégées, sont concernées.
«Le gouvernement actuel a montré une faible ambition à protéger les forêts primaires et anciennes sur les terres privées», souligne WWF. «Par conséquent, la Suède subit actuellement une perte continue» de ces forêts en raison des coupes rases, insiste l'organisation.
«La Suède est près d'atteindre l'objectif de biodiversité 2030»
Le ministre suédois des Affaires rurales Peter Kullgren balaie les critiques. «Plus de 25% des bois suédois ont déjà été retirés de la production, et plus de 10% sont déjà strictement protégés», a-t-il fait valoir dans un mail à l'AFP. 70% du royaume scandinave est recouvert de cet «or vert», dont près de la moitié appartient à des propriétaires privés.
«La Suède est l'un des pays de l'UE les plus près d'atteindre l'objectif de biodiversité de 2030», assure Peter Kullgren. Autre défi: l'état des forêts suédoises n'est plus le même qu'en 1950, relève l'université suédoise des sciences agricoles (SLU) dans un article.
«L'abattage des forêts à haute valeur écologique est l'une des principales causes» de la chute de la population des espèces présentes dans ces zones. Et les forêts anciennes sont «devenues rares», explique SLU: «seulement quelques pourcents des terres forestières productives peuvent être qualifiés de biologiquement anciennes».