Les cartes ont été rebattues au Kremlin: alors qu'il dirigeait le ministère de la Défense depuis 11 ans, Sergueï Choïgou doit maintenant quitter son poste. Il est remplacé par le vice-chef du gouvernement et économiste Andrei Belooussov. En revanche, Sergueï Choïgou ne sort pas du gouvernement, puisqu'il devient secrétaire du Conseil de sécurité russe. L'actuel secrétaire du Conseil de sécurité, Nikolaï Patrouchev, est lui nommé conseiller du chef du Kremlin.
Un remaniement comme une autre? Pas vraiment. Mardi, la nouvelle est tombée: le responsable du personnel de Sergueï Choïgou, Iouri Kouznetsov, a été arrêté. Il suit ainsi les pas de Timur Ivanov, qui a été l'adjoint du ministre de la Défense, avant d'être arrêté en avril. Un carrousel de noms qui a de quoi donner le tournis. Blick fait le point sur le nettoyage de printemps opéré par Vladimir Poutine.
La destitution de Sergueï Choïgou peu surprenante
Le départ de Sergueï Choïgou n'est pas une surprise totale. Stefan Meister, spécialiste de la Russie pour le think tank Gesellschaft für Auswärtige Politik, a expliqué au micro de la chaîne de télévision allemande NDR, que le remplacement du ministre de la Défense était attendu depuis longtemps. L'un de ses adjoints, Timur Ivanov, a récemment été arrêté pour des accusations de corruption. Puis mardi, son chef du personnel, le lieutenant-général Iouri Kouznetsov, a également été arrêté. Poutine semble donc craindre les dissidents au sein du ministère de la Défense. Mais ce n'est pas nouveau: le chef du Kremlin peut être assez paranoïaque en ce qui concerne son cercle le plus proche.
Mais ce qui est particulièrement intéressant ici, c'est le timing choisi par Poutine pour effectuer ces changements. En effet, le président russe avait encore soutenu Sergueï Choïgou en 2022, lorsque la Russie subissait des revers militaires en Ukraine. Il l'a également soutenu en 2023, lorsque le ministre s'est publiquement disputé avec Evgueni Prigojine, le chef des mercenaires de Wagner, qui accusait Sergueï Choïgou de corruption et exigeait son licenciement.
Le fait que Poutine limoge son ministre de la Défense maintenant laisse penser que le Kremlin se sent davantage confiant. Avec les forces armées russes en pleine progression et l'Ukraine sur la défensive, le Kremlin pense pouvoir prendre le risque d'un tel remaniement. Le changement à la tête du ministère de la Défense laisse en outre transparaitre des réorientations stratégiques. Andrei Belooussov doit maintenant amorcer ce virage. Il s'agit avant tout d'efficacité économique pour l'armée et de loyauté politique des cadres envers le président Poutine.
De plus, Vladimir Poutine a été investi il y a une semaine seulement pour son cinquième mandat de président. Et même si de tels remaniements sont plutôt rares dans l'appareil gouvernemental russe, le chef du Kremlin a, lui aussi, besoin de temps en temps d'un nouveau départ.
Le ministre de la Défense doit-il payer pour ses erreurs?
Et que se passe-t-il exactement avec Sergueï Choïgou? Il est tout de même considéré comme l'un des plus proches alliés du président russe. Mais la proximité avec Vladimir Poutine, les parties de pêche et de chasse avec le président (ils sont même allés cueillir des champignons ensemble), tout cela ne garantit pas de conserver son poste. Sergueï Choïgou l'a appris à ses dépens. Et même s'il continuera d'occuper une position influente en tant que secrétaire du Conseil de sécurité, cette décision s'apparente tout de même à une rétrogradation.
Devra-t-il payer pour ses erreurs en Ukraine? C'est possible. Mais Vladimir Poutine n'ira pas trop loin dans les punitions: le président russe soutient les personnes qui lui sont loyales et en qui il a confiance depuis longtemps, du moins dans une certaine mesure. De plus, le désormais ex-ministre de la Défense sait probablement des choses sur Poutine qui ne devraient pas être rendues publiques.
Sergueï Choïgou fait partie du système Poutine. Tout comme Nikolaï Patrouchev, qui a dû céder sa place de secrétaire du Conseil de sécurité à l'ex-ministre de la Défense. Est-ce que Nikolaï Patrouchev désirait un tel changement? On ne le sait pas. Toute cette affaire montre donc une fois de plus que le chef du Kremlin n'écoute que lui-même. Un ministre ne peut pas décider quand il doit partir ou quelles fonctions il veut accepter. Seul Vladimir Poutine décide.