Depuis plusieurs semaines déjà, les Iraniens et Iraniennes protestent contre leur régime. Les organisations de défense des droits de l'homme font état de centaines de morts parmi les manifestants.
En Europe aussi, les gens descendent dans la rue en signe de solidarité. Samedi, Free Iran Switzerland appelle à une manifestation nationale à Berne. Les participants veulent exiger du Conseil fédéral qu'il cesse d'être spectateur et prenne des sanctions.
En raison de la brutalité des forces de répression, l'UE a déjà pris des sanctions. Mais la Suisse n'y participe pas. Seule la livraison de drones de combat iraniens à la Russie est sanctionnée par Berne.
Les fidèles du régime pourraient perturber la manifestation
Ce samedi, jusqu'à 2000 manifestants sont attendus à Berne... Et une poignée de partisans du régime des mollahs. Les fidèles du régime pourraient se mêler aux manifestants pacifiques pour semer le trouble, selon une source. Récemment encore, une manifestation avait donné lieu à une bruyante altercation. Dans d'autres capitales européennes comme Londres, Paris et Berlin, les protestations ont déjà dégénéré.
A Berlin, une bagarre à l'arme blanche a même éclaté. Comme le rapporte le «Berliner Zeitung», trois hommes inconnus ont attaqué une manifestation d'Iraniens en exil devant l'ambassade d'Iran à Berlin-Dahlem dans la nuit de samedi à dimanche dernier et ont blessé plusieurs personnes.
Le Service de renseignement de la Confédération (SRC) indique qu'il est conscient des influences des cercles proches du régime sur des fidèles à travers le monde. Interrogé à ce sujet, le SRC renvoie à des passages du rapport de situation «Sécurité de la Suisse» de 2020. «Le SRC dispose toutefois de connaissances qui indiquent une intensification des activités de renseignement de l'Iran en Suisse», explique la porte-parole Isabelle Graber à Blick.
Pression sur les proches pour forcer à espionner
Certains gouvernements espionnent leurs propres compatriotes en Europe, comme l'indique le rapport. Les critiques du régime, les membres de l'opposition ainsi que les minorités, sont particulièrement visées si elles sont considérées comme une menace par le régime en place. Les personnes concernées ne sont pas seulement surveillées, mais aussi menacées et soumis au chantage. «Cela peut aller jusqu'à l'utilisation de la violence physique», précise le SRC.
Pour surveiller la diaspora, les régimes ont souvent recours à des informateurs issus de leurs communautés, qui le font par conviction ou qui sont incités à le faire par des moyens financiers. L'entourage familial resté au pays est aussi utilisé comme moyen de pression pour que des personnes acceptent d'espionner des compatriotes en Europe. Enfin, le SRC constate régulièrement que des agents s'infiltrent avec des demandes d'asile.
«En ce qui concerne l'Iran, ce sont principalement les opposants au régime vivant à l'étranger qui sont surveillés - avec une tendance sans doute croissante au vu des tensions internationales actuelles et du mécontentement des Iraniens vis-à-vis de leur gouvernement», indique le SRC.
Ces dernières années, les services iraniens n'auraient en outre pas hésité à agir avec fermeté. Ainsi, ces derniers seraient fortement soupçonnés d'avoir perpétré deux attentats contre des opposants aux Pays-Bas en 2015 et 2017. En France et au Danemark, les autorités ont pu empêcher des attentats contre des opposants iraniens en 2018.
Un assassinat en Suisse en 1990
Le service de renseignement suisse souligne que l'Iran n'hésite pas non plus à recourir à la violence sur le sol suisse: «En 1990, l'opposant iranien Kazem Radjavi a été assassiné par un commando iranien dans le canton de Vaud.»
Comme le dit la porte-parole du SRC Isabelle Graber, l'espionnage se ferait entre-temps aussi dans le cyberespace: «Des hackers soutenus par les services secrets iraniens ont augmenté leurs activités de cyberespionnage au cours des dernières années.»
Ils ont ciblé des universités, des chercheurs, des journalistes, des fonctionnaires du gouvernement ainsi que la diaspora iranienne à l'étranger dans le monde entier. Les entreprises du secteur de la pétrochimie, de l'industrie mécanique et les fabricants de systèmes de contrôle industriels seraient également espionnés par des Iraniens. Isabelle Graber conclut: «La Suisse n'est pas une exception en tant que cible de telles cyberattaques iraniennes.»
Plusieurs personnalités présentes à la manifestation à Berne
Mais tout cela n'effraie pas les organisateurs de la manifestation de samedi. De 14h30 à 16h environ, ils protesteront sur la place fédérale de Berne. Des personnalités telles que l'écrivain Lukas Bärfuss, la conseillère nationale du centre Marianne Binder, le coprésident du PS Cédric Wermuth, la conseillère nationale du PS Flavia Wasserfallen et la conseillère nationale des Verts Natalie Imboden prendront la parole. La rappeuse Big Zis, Ella Ronen, connue pour avoir participé à la première saison de «The Voice of Switzerland», et Arash Gharib accompagneront musicalement la manifestation.
La police cantonale bernoise s'attend à ce que la manifestation de samedi soit pacifique. Ses organisateurs sont en contact avec et louent les efforts mis en place pour qu'ils puissent protester sur la Place fédérale.
(Adaptation par Lliana Doudot)