L’Iran est secoué depuis près de deux mois par des manifestations déclenchées par la mort le 16 septembre de Mahsa Amini, une Kurde iranienne arrêtée trois jours plus tôt par la police des moeurs qui lui reprochait d’avoir enfreint le code vestimentaire strict, imposant notamment le port du voile en public.
Les autorités de la République islamique ont riposté avec une répression qui a fait plus de 170 morts selon une ONG, outre des milliers d’arrestations dont 1000 personnes inculpées et risquant, selon des militants, la peine de mort.
Mais la contestation ne semble pas s’essouffler. Et les funérailles et cérémonies de deuil, organisées selon la tradition au 40e jour suivant un décès, sont l’occasion de nouvelles protestations.
Affrontements meurtriers
Selon l’ONG Iran Human Rights (IHR) basée en Norvège, de nombreuses personnes ont participé jeudi à Karaj près de Téhéran, à une cérémonie pour le 40e jour du décès de Hadis Najafi, une manifestante de 22 ans tuée, selon des militants, par des policiers en septembre.
Pour sa part, le média en ligne 1500tasvir a publié des photos montrant des affrontements entre manifestants et policiers.
Les forces de sécurité ont tiré sur les manifestants, selon ce média qui a diffusé une vidéo montrant des protestataires jetant des pierres sur un véhicule de la police, tandis que d’autres incendiaient des poubelles et un commissariat.
Un membre du Bassidj, une milice paramilitaire liée aux Gardiens de la Révolution, l’armée idéologique de l’Iran, a été tué et dix policiers ont été blessés dans ces affrontements, a rapporté l’agence de presse officielle Irna, selon laquelle 500 personnes ont participé à ces «émeutes».
Le paramilitaire de 24 ans a été poignardé, selon l’agence Fars, qui précise que son corps dénudé a été retrouvé sur le bord de la chaussée.
Les manifestants ont par ailleurs forcé un religieux de descendre de sa voiture et l’ont agressé avec une arme blanche, toujours selon Fars.
Interdire la cérémonie de deuil
D’autres cérémonies de deuil ont été organisées, notamment à Fouladshahr et Arak (centre), où les manifestants ont scandé des slogans hostiles au pouvoir, selon IHR et 1500tasvir.
Une cérémonie de deuil doit par ailleurs avoir lieu vendredi à Ispahan (centre) pour le 40e jour du décès de Shirin Alizadeh, 36 ans, tuée d’une balle par des membres du Bassidj alors qu’elle filmait une scène de répression dans le nord-est de l’Iran, a affirmé à l’AFP Raha Bahreini d’Amnesty international.
Selon elle, les autorités ont mis en garde les proches de la victime contre la tenue de toute cérémonie par crainte qu’elle ne se transforme en manifestation.
Depuis le 16 septembre, au moins 176 personnes ont péri, selon l’IHR, dans la répression des manifestations liées à la mort de Mahsa Amini.
Par ailleurs, 101 personnes, selon cette ONG, sont mortes lors de protestations distinctes à Zahedan dans la province du Sistan-Baloutchistan (sud-est).
Jeudi, un imam a été tué par balle avant la prière du soir dans cette ville, a indiqué le commandant de la police du Sistan-Baloutchistan Ahmad Taheri. Selon Irna, l’imam a été tué devant la mosquée Mola-Motaghian, par des assaillants masqués ayant ouvert le feu depuis un véhicule.
Aveux forcés et faux procès pour «réduire au silence» les manifestants
Les autorités accusent l’Occident d’encourager la contestation et décrivent les manifestations comme des «émeutes».
Le procès de cinq hommes accusés d’infractions passibles de la peine de mort, en lien avec «les émeutes» s’est ouvert samedi à Téhéran.
Des militants ont dénoncé des simulacres de procès, et Hadi Ghaemi, du Center for Human Rights in Iran (CHRI), basé à New York, a affirmé qu’ils étaient destinés «à terroriser et réduire au silence les Iraniens».
Les ONG dénoncent régulièrement le recours des autorités à des aveux forcés de prisonniers et leur diffusion par les médias officiels.
Mercredi, l’agence Irna a diffusé une vidéo montrant selon elle le rappeur Toomaj Salehi, arrêté après avoir soutenu les manifestants. L’homme, bandeau sur les yeux, se présente comme Toomaj Salehi et dit avoir «commis une erreur».
«Les médias officiels […] partagent des aveux forcés du rappeur Toomaj Salehi», a commenté le groupe de défense de la liberté d’expression Article 19.
Il est actuellement détenu au secret à la prison d’Evine à Téhéran, a déclaré son oncle Iqbal Iqbali au site d’information Iran Wire.
Au moins 51 journalistes ont été arrêtés depuis le 16 septembre, selon le Comité pour la protection des journalistes basé à New York. Quatorze ont été libérés sous caution.
(ATS)