La couverture est destinée à faire peur. «Time Magazine», l’un des plus prestigieux magazines américains, a tiré les conséquences de l’interview-fleuve de Donald Trump recueillie par ses journalistes au domicile luxueux de l’ancien président à Mar-a-Lago, en Floride.
Pas question de montrer Donald Trump en meeting, les mains levées et la casquette rouge «Maga» (pour Make America Great Again, son slogan) sur la tête. Le portrait à la «une» de «Time» est sombre. Très sombre. Trump est photographié en noir et blanc, le regard plus décidé que jamais. En titre, trois mots seulement: «If he wins…». S’il l’emporte…
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Aucune nuance
Peur? Oui, c’est bien cela. Car tout, dans cet entretien publié sur plus d’une dizaine de pages, en intégralité, a de quoi inquiéter. On peut juger le programme de Trump souhaitable pour les États-Unis. Mais la manière dont l’ancien locataire de la Maison-Blanche annonce ce qu’il fera s’il est élu doit faire réfléchir. Expulsions de millions de migrants par la Garde Nationale, construction de camps de rétention pour parquer ceux qui refusent de repartir, chantage financer envers les Européens qui devront payer cash pour l’assurance militaire américaine…
Chaque mot est sans appel. Trump ne cherche même pas à nuancer son affirmation selon laquelle il sera «un dictateur le jour 1». Oui, il agira par la force s’il le faut, au moins pour contourner certains obstacles légaux. «Nous ferons le tri entre les autorités juridiques et les mécanismes, et nous donnerons l’élan nécessaire à une future administration» assène-t-il.
Dictateur le jour 1
Interrogé sur sa volonté d’agir en dictateur «au moins une journée», Trump ne corrige rien. Pour lui, il s’agissait d’une remarque «faite pour s’amuser, pour plaisanter, de manière sarcastique». «Time» l’interroge: «Ne comprenez-vous pas pourquoi de nombreux Américains considèrent qu’un tel discours sur la dictature est contraire à nos principes les plus chers?» Réponse négative: «C’est tout le contraire. Je pense que beaucoup de gens aiment ça.»
Un séisme. Le tremblement de terre est assuré à Washington où Donald Trump démarrera dès son investiture, s’il est élu, la machine à remonter le temps. La preuve? Il envisage de pardonner tous les protagonistes de l’assaut contre le Congrès le 6 janvier 2021. «Je les appelle les patriotes du J-6 et oui, absolument, j’envisage de les gracier.»
Voici donc un ancien président, aujourd’hui jugé à Manhattan pour avoir falsifié des documents comptables afin d’empêcher la révélation de sa liaison avec une actrice de films X avant l’élection de 2016, qui promet de s’érige en justicier en chef dès le jour 1.
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Guerre à Washington
Le journaliste de «Time» affirme que «l’une des armes de la guerre contre Washington que mènera Donald Trump au cours de son second mandat consistera à rétablir le pouvoir de saisie, qui permet aux présidents de retenir les fonds alloués par le Congrès». L’ex-locataire de la Maison-Blanche promet, en somme, un chantage permanent pour arriver à ses fins et inverser les politiques suivies par Joe Biden. «Je pense que l’ennemi de l’intérieur, dans de nombreux cas, est beaucoup plus dangereux pour notre pays que les ennemis extérieurs que sont la Chine, la Russie et d’autres encore» explique-t-il à «Time».
Ce chantage, une partie du monde risque d’en payer le prix fort: l’Europe. La protection «Made in USA» devra être payée cash par des achats de matériel de défense américains. «Je ne donnerais rien à moins que l’Europe ne commence à égaliser» justifie-t-il dans cet entretien.
Et d’ajouter, alors que l’aide américaine promise à l’Ukraine arrivera bientôt avec des mois de retard, en raison des blocages de la Chambre des Représentants, finalement levés par le vote du 21 avril: «Si l’Europe ne paie pas, pourquoi devrions-nous payer? Elle est beaucoup plus touchée. Nous avons un océan entre nous et la Russie. Ils n’en ont pas.»
Le sujet de l’avortement
Le seul sujet sur lequel Donald Trump se montre moins agressif est l’avortement. Le vote des femmes américaines le préoccupe. S’il refuse de s’engager à mettre son veto à toute nouvelle restriction fédérale du droit à l’interruption volontaire de grossesse, le candidat Républicain estime que ce sujet doit être laissé aux États pour qu’ils fassent ce qu’ils veulent, y compris le suivi de la grossesse des femmes. «Cela n’a rien à voir avec le fait que je sois à l’aise ou non. C’est totalement hors de propos, car ce sont les États qui prendront ces décisions.»
L’actuel président Biden a déclaré qu’il lutterait contre les mesures anti-avortement des États devant les tribunaux et par le biais de la réglementation. Trump, lui, fera l’inverse. «Je n’ai pas à m’occuper des vétos parce que les États ont repris le pouvoir», conclut celui que les sondages continuent de placer en tête devant le locataire de la Maison-Blanche.