Lorsque le régime iranien a lancé plus de 300 missiles et drones en direction d'Israël dans la nuit du 14 avril dernier, Reza Pahlevi n'a pas pu s'empêcher de réagir. Le fils de l'ancien shah s'est adressé au peuple et à l'armée d'Iran dans une lettre. En persan, le prince héritier a appelé les forces armées iraniennes à rejeter tous les ordres du chef religieux Ali Khamenei qui pourraient entraîner l'Iran dans un conflit armé.
Dans une interview accordée à Blick, réalisée par e-mail, Reza Pahlevi explique quel espoir il a pour son pays et pourquoi il ne peut pas adresser que des éloges à la Suisse. Il révèle aussi s'il souhaite suivre les traces de son père.
Reza Pahlevi, que vous vient-il à l'esprit lorsque vous observez la situation actuelle au Proche-Orient?
D'un côté la tristesse, de l'autre l'espoir. Le Moyen-Orient est le berceau de la civilisation. Tant d'innovations majeures dans le monde proviennent de notre région, mais aujourd'hui, notre peuple est retenu par le régime clérical iranien. Il tente de ramener toute la région au sombre Moyen-Âge. Mais j'ai de l'espoir, car la jeunesse de mon pays se soulève contre ce régime criminel pour reconquérir notre nation et notre civilisation et lui redonner la place qui lui revient dans le monde.
Comment le conflit pourrait-il être résolu?
Le seul moyen de résoudre le conflit actuel au Moyen-Orient, et les conflits futurs qui sont inévitables, est de renverser la République islamique d'Iran. Le peuple iranien a montré qu'il était prêt à payer le prix de la liberté.
Comment aider le peuple iranien?
Il lui manque deux choses: un soutien international et un leadership. Pour le premier élément, nous avons besoin d'un changement de politique collectif et stratégique de l'Occident vers une pression maximale sur la République islamique et un soutien maximal au peuple iranien. En ce qui concerne le second volet, je continuerai à défendre mon pays et mes compatriotes sur la scène internationale et à agir en tant qu'acteur totalement neutre pendant la phase de transition afin d'assurer une transition pacifique.
Quelle est l'ampleur de la contestation en Iran?
Chaque jour, nous voyons des exemples de désobéissance civile, sous différentes formes. Les Iraniens se préparent à une série de manifestations qui seront encore plus violentes que celles que nous avons connues après l'assassinat de Mahsa Amini.
Téhéran considère Israël comme un ennemi juré. Quelle est votre position vis-à-vis de l'État israélien?
L'année dernière, j'ai visité Israël à la suite de l'invitation du gouvernement et j'ai rencontré le président et le Premier ministre. J'ai aussi visité des universités puis assisté à des think tanks et à des discussions avec des penseurs. J'ai voyagé avec un message de paix et une nouvelle vision pour l'avenir du Moyen-Orient, qui va même au-delà des accords conclus jusqu'à présent. Mon message est la paix et la prospérité entre un Iran libre, Israël et les États arabes de notre région.
Comment l'Iran doit-il se développer et quel rôle le pays doit-il jouer à l'avenir dans le monde?
Nous sommes à juste titre une nation fière, mais notre patriotisme ne s'est jamais fondé sur la xénophobie ou la peur des autres nations. Avant la révolution islamique de 1979, nous avions de bonnes relations aussi bien avec le bloc occidental qu'avec le bloc oriental, avec l'Amérique et l'Union soviétique, avec l'Inde et le Pakistan, avec Israël et les Arabes, et avec beaucoup d'autres qui s'affrontaient dans différents conflits. On ne peut pas en dire autant de nombreuses nations. C'est ce à quoi nous aspirons pour notre avenir.
Comment voyez-vous la relation de l'Iran avec l'Europe?
Compte tenu de nos liens historiques et des ressources de l'Iran, ce pays peut devenir non seulement un partenaire pour la paix, mais aussi un partenaire commercial et économique important pour l'Europe.
Après un éventuel renversement du régime, retourneriez-vous vous-même en Iran et reprendriez-vous le rôle de vos parents? Ou comment voyez-vous votre rôle dans l'Iran de demain?
Bien sûr, je retournerai en Iran. Ce temps viendra. Mais ne mettons pas la charrue avant les bœufs. Je ne suis pas candidat à une fonction politique; personne ne devrait le faire actuellement. Pour l'instant, il s'agit uniquement de sauver notre pays et non de rechercher un gain personnel. Je me concentre aujourd'hui sur ma mission, qui consiste à diriger la transition la plus pacifique et la moins coûteuse vers la démocratie et à superviser la période de transition post-régime.
Le pays doit-il reprendre le nom de Perse?
Le nom de notre pays est l'Iran. Nous l'avons appelé Iran pendant des milliers d'années. «Perse» était un nom grec attribué à notre pays par l'Occident. Les histoires selon lesquelles l'Iran aurait «changé» de nom sont tout simplement inexactes et relèvent franchement de la propagande.
La Suisse joue le rôle de médiateur entre Téhéran et Washington. Comment jugez-vous son travail?
Au lieu de faire de la médiation avec un régime qui a échoué, nous espérons que nos amis suisses regarderont au-delà de ce régime pour l'avenir et se rangeront aux côtés du peuple iranien.
Vos parents sont souvent venus ici en vacances. Quelle relation avez-vous encore aujourd'hui avec la Suisse?
J'ai beaucoup de bons souvenirs de la Suisse et j'y suis souvent allé au cours des dernières décennies. Ce que j'admire particulièrement chez les Suisses, c'est leur éthique de travail et leur respect de l'État de droit.