Avec la mort d'Evgueni Prigojine, de son vice-président Dmitri Outkine et d'Alexander Totmin, le groupe Wagner perd une bonne partie de sa direction. Cela tombe bien pour le président russe Vladimir Poutine – qu'il soit ou non responsable du crash de l'avion dans lequel se trouvaient apparemment les trois hommes. Le chef du Kremlin souhaitait depuis longtemps écarter l'insubordonné Evgueni Prigojine du pouvoir et intégrer dans l'armée russe les mercenaires de Wagner qui s'étaient pour la plupart repliés en Biélorussie.
Reste à savoir si les combattants du défunt chef paramilitaire seront de la partie. Car Evgueni Prigojine était vénéré comme un «papa» par les siens. Le journaliste politique Jimmy Rusthon, basé à Kiev, écrit sur X (ex-Twitter): «Comment des milliers de mercenaires Wagner très bien armés, aguerris et extrêmement violents réagissent-ils à la mort d'un homme qu'ils tenaient en très haute estime, presque comme un culte?»
Vengeance contre Poutine
Jeudi, des canaux critiques envers le Kremlin ont rapporté que des mercenaires de Wagner s'étaient rassemblés pour se venger de Vladimir Poutine et de son ministre de la Défense Sergueï Choïgou. Des hommes cagoulés, se présentant comme des combattants de Wagner, ont publié une vidéo dans laquelle ils menacent le pouvoir de représailles. L'un des mercenaires déclare: «On parle beaucoup en ce moment de ce que le groupe Wagner va faire. Nous pouvons répondre une chose: nous commençons, préparez-vous à nous faire face.»
Ulrich Schmid, spécialiste de la Russie et enseignant à l'université de Saint-Gall, livre son analyse: «Après le soulèvement d'il y a deux mois, le ministère de la Défense avait déjà déployé des efforts considérables pour fournir aux mercenaires de Wagner des contrats de soldats temporaires officiels. Ces efforts vont maintenant s'intensifier.» Certes, les mercenaires de Wagner restent très loyaux à Evgueni Prigojine, mais le ministère de la Défense représente une alternative attractive maintenant qu'ils sont à la recherche d'un nouvel employeur.
De nouvelles armées privées pour l'Afrique
Pour ce qui est de l'Afrique, les mercenaires devraient rester sur le terrain. «Il est dans l'intérêt de Moscou que la présence en Afrique se poursuive», explique Ulrich Schmid. Car le Kremlin veut renforcer son influence dans les Etats africains, sans toutefois intervenir lui-même.
On ne sait pas qui pourrait succéder à Evgueni Prigojine pour superviser la présence russe en Afrique. «La structure de Wagner est très opaque», relève Ulrich Schmid. Mais il est certain qu'il s'agira d'une personne désignée par le Kremlin et qui pourra ainsi être mieux dirigée.
Reconvertis en gardiens de prison ou décédés
Il est probable que le Kremlin réorganise les troupes en Afrique. Selon l'Institut pour l'étude de la guerre (ISW), des sources internes russes rapportent que le ministère de la Défense a déjà commencé à mettre en place de nouvelles armées privées et à les doter d'ex-combattants d'Evgueni Prigojine. Le nom de Wagner ne devrait donc bientôt plus qu'être un lointain souvenir.
Le nombre de mercenaires désormais orphelins de leur groupe paramilitaire n'est pas connu. Les Etats-Unis estiment qu'il se monte à 50'000 hommes, dont plus de la moitié ont été recrutés dans des prisons. Les troupes d'Evgueni Prigojine ont subi de grandes pertes depuis le début de la guerre en Ukraine. Le chef paramilitaire désormais décédé avait déclaré que 20'000 de ses combattants avaient perdu la vie rien que dans la bataille de Bakhmout.