L’ambiance est lourde dans les couloirs du service pédiatrique de l’hôpital Papa Giovanni XXIII de Bergame, en Italie. Il y a comme un air de déjà-vu inquiétant dans cet établissement qui avait été touché de plein fouet par les premiers cas graves de Covid-19 il y a deux ans. À l’époque, les médecins du service avaient été confrontés à une forme de syndrome de Kawasaki (une inflammation généralisée des vaisseaux sanguins) chez des enfants. On soupçonnait que cela pouvait être la conséquence d’une infection au coronavirus.
Deux ans presque jours pour jours après le début de la pandémie en Europe, c’est l’apparition d’une nouvelle forme d’un virus qui inquiètent les chirurgiens italiens. Il s’agit d’une mystérieuse hépatite encore inconnue qui touche surtout les jeunes enfants. À l’hôpital Papa Giovanni XXIII, c’est un petit garçon de 11 ans qui se trouve sur la table d’opération. Sa seule chance de survie: une greffe de foie. Au même étage, une fillette de 6 ans est traitée pour la même maladie. Neuf autres cas suspects ont été rapportés dans huit régions du pays.
169 cas d’hépatite dans douze pays
L’Italie n’est pas la seule à signaler de plus en plus de cas de cette mystérieuse hépatite. «Selon les dernières informations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 169 cas ont été déclarés au total jusqu’au 23 avril 2022. Les enfants concernés sont âgés de un mois à 16 ans», explique l’épidémiologiste tessinois Andreas Cerny.
La plupart des cas ont été signalés en Grande-Bretagne et en Irlande du Nord. Là-bas, 114 enfants sont tombés malades. L’Espagne a signalé treize cas, Israël douze, les États-Unis neuf, le Danemark six, l’Irlande cinq, les Pays-Bas quatre. La Norvège et la France en comptent deux chacune. La Roumanie et la Belgique déclarent chacune un cas. La Suisse semble jusqu’à présent épargnée par cette nouvelle forme du virus.
«Jusqu’à présent, nous n’avons reçu aucun signalement d’hépatites aiguës graves chez des enfants pour qui les hépatites A à E ont été exclues», assure Daniel Dauwalder, porte-parole de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP). Le signalement des hépatites A et E est obligatoire, et comme il n’y a eu que peu de cas en Europe, l’OFSP n’a pas encore émis de recommandations spécifiques.
Ces symptômes doivent être surveillés
Les parents sont toutefois invités à rester vigilants à certains symptômes chez leurs enfants, notamment s’ils se plaignent de vertiges, de nausées, de perte d’appétit, de douleurs abdominales. D’autres signes comme une légère fièvre, des urines foncées et des selles claires complètent les éléments qui doivent alerter.
«Les enfants concernés sont très fatigués, ils souffrent parfois de vomissements et la couleur de leur peau devient jaune. On observe également une augmentation des hématomes, sans qu’il y ait eu de traumatismes importants auparavant», détaille Andreas Cerny. Dans ce cas, il convient de consulter un pédiatre pour obtenir des conseils. «De simples analyses de sang permettent de clarifier rapidement la situation», conclut l’épidémiologiste.
Des enfants trop peu exposés aux virus avec les restrictions sanitaires?
La cause de cette nouvelle forme d’hépatite, qui menace surtout les plus jeunes, reste mystérieuse. «Chez une partie des enfants, on a trouvé comme déclencheur possible une infection par des adénovirus. On ne sait pas encore si ces derniers provoquent directement la maladie ou si d’autres facteurs jouent un rôle, mais ils font l’objet de recherches intensives, récapitule Andreas Cerny, les jeunes enfants sont souvent en contact avec les adénovirus très tôt dans leur vie. Les mesures de protection apportées par la pandémie de Covid-19 pourraient avoir permis aux jeunes enfants d’être moins souvent en contact avec les adénovirus et donc de tomber malades différemment et plus gravement.»
En revanche, la vaccination contre le Covid-19 ne semble pas avoir joué de rôle dans l’apparition de cette nouvelle maladie, car la plupart des enfants atteints n’étaient pas vaccinés. De même, le virus du SARS CoV-2 n’a été détecté que dans des cas exceptionnels et ne semble pas avoir joué de rôle direct, pointe l’expert.
17 transplantations et un décès
La maladie est en tout cas inquiétante. «Parmi les cas déclarés, la maladie a été très grave, une forme fulminante d’hépatite qui, dans 17 des 169 cas, n’a pu être traitée qu’au moyen d’une transplantation hépatique d’urgence. Malheureusement, il y a également eu un décès», déplore Andreas Cerny.
Bien qu’aucun cas n’ait été signalé en Suisse, l’expert tessinois souligne le rôle crucial de la coopération entre les pays dans cette situation: «La définition des cas, très importante pour surveiller le problème, a été publiée par l’OMS, et les autorités sanitaires collectent et signalent les cas observés. Ce type d’échange international, auquel la Suisse participe également, est extrêmement important.»
(Adaptation par Louise Maksimovic)