Elle a explosé dimanche
La droite française n'existe plus

Comment être de droite en France au lendemain du premier tour des législatives? Après le bon score du Rassemblement national, et compte tenu du positionnement de plus en plus conservateur d'Emmanuel Macron, cette question est devenue un casse-tête politique. Analyse.
Publié: 13.06.2022 à 18:24 heures
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Dernière mise à jour: 17.06.2022 à 16:50 heures
À droite de la droite, Marine Le Pen et les siens ont infligé une lourde défaite à Éric Zemmour, tout en grignotant l'électorat des Républicains, pour lesquels pointe une crise profonde.
Photo: Imago
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Richard WerlyJournaliste Blick

Attention, les précisions qui suivent sont indispensables. Impossible de juger de l’état de la droite en France sans revenir, après le premier tour des législatives dimanche, sur les modalités électorales pour désigner les 577 députés qui siègent à l’Assemblée nationale. Les 48 millions d’électeurs français n’étaient pas invités à voter pour des listes de candidats présentées par des partis. Il s’agissait de désigner, en deux tours de scrutin, un député par circonscription, à la majorité des suffrages. Ainsi, 577 affrontements ont donc eu lieu, et 572 se poursuivront dimanche 19 juin, puisque seuls cinq candidats ont été élus au premier tour.

Implantation géographique des partis

Difficile, dès lors, de faire correspondre automatiquement à un nombre donné d’élus le pourcentage de voix obtenu dimanche au niveau national par les différentes formations politiques. Tout dépend de l’implantation géographique des partis, de la nature des duels (la prime aux sortants joue un rôle décisif) ou des triangulaires (il y en aura moins d’une dizaine), ainsi que de la mobilisation électorale.


Avec 52% d’abstention dimanche, le premier tour des législatives françaises a été marqué, de nouveau, par une inquiétante désaffection démocratique. Avec, pour chaque formation politique, des conséquences différentes: les retraités, qui sont les plus nombreux à voter, sont ainsi plutôt favorables au camp conservateur. Alors que les moins de 30 ans, qui se sont peu déplacés dimanche, sont présumés plus favorables à la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes) de Jean-Luc Mélenchon.

Adieu Chirac et Sarkozy

Vous avez tout bien lu? Alors allons directement au but: la grande victime de ce premier tour est la droite traditionnelle, celle que dirigeaient jadis Jacques Chirac ou Nicolas Sarkozy. Le parti qui la représente, Les Républicains, recueille 10% des voix, après la débâcle de sa candidate à la présidentielle, Valérie Pécresse (4,7% des suffrages). Certes, l’arithmétique électorale française va peut-être lui permettre de sauver 60 à 70 élus (contre une centaine de députés sortants). Mais regardons les choses en face: les conservateurs français n’ont plus de chef charismatique.

Leur aile modérée a fait sécession et vote Macron, sous la bannière de l’ancien premier ministre Édouard Philippe. Le Rassemblement national de Marine Le Pen, avec 18,7%, occupe le terrain sur son flanc droit, alliant obsession de l’identité, détestation de l’immigration et promesses sociales à gogo. Les ténors des Républicains, comme le président de la région Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, sont aux abonnés absents. Pire encore: même Nicolas Sarkozy, qui adore jouer le rôle «parrain» de son camp politique, est en train de se détourner de son ex-parti, préférant soutenir le locataire de l’Élysée.

Les trois séismes du 12 juin

Trois séismes ont en fait eu lieu dimanche. Et ils ont tous ouvert une nouvelle fissure.

Le premier séisme a eu lieu à gauche, où l’OPA de Jean-Luc Mélenchon est confirmée. Le Parti socialiste français est désormais le supplétif de la France Insoumise. Les écologistes jouent la carte mélenchoniste. La radicalité aux accents révolutionnaires a enterré les compromis de la social-démocratie.

Second séisme: la victoire sans appel de Marine Le Pen sur Éric Zemmour. L’ex-polémiste a échoué à ravir le leadership de l’extrême-droite à la candidate du Rassemblement national, finaliste de la présidentielle. Le national populisme du RN l’emporte sur les chimères identitaires de Zemmour. Lequel, après son échec dans la circonscription de Saint-Tropez, devrait peut-être regarder de nouveau du côté des plateaux TV, plus accueillants que les électeurs.

Le «Front Républicain» s’est évaporé

Troisième séisme: la droite libérale, bourgeoise, pro-entreprises et anti-régulations, est dans le cercueil. Elle garde une implantation locale. Mais où sont les différences avec Emmanuel Macron, de plus en plus contraint de draguer de ce côté-ci de l’électorat? Le label gaulliste a disparu. Le sarkozysme est un souvenir. Le chiraquisme est une pièce de musée. Macron, bonapartiste assumé, a capté l’héritage. Et pour ceux que l’ordre, la sécurité et l’immigration massive obsèdent, voter pour le RN ne sera bientôt plus tabou malgré les consignes du parti. Le «Front Républicain» s’est évaporé. La droite traditionnelle, à ce rythme, n’existera bientôt plus.

Restent quelques individualités. Laurent Wauquiez fourbit ses armes du côté de Lyon. L’ancienne ministre Rachida Dati espère conquérir Paris. Valérie Pécresse rêve de ressusciter depuis son bastion de la région Île de France. Xavier Bertrand rumine, dans le Nord, son regret de n’avoir pas été candidat à la présidentielle. À part ça, le QG parisien des Républicains est silencieux comme une tombe. Les funérailles électorales de la droite française ont bel et bien commencé dimanche.

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