Une défaite presque inévitable. Kamala Harris n’a désormais presque plus de chance de devenir présidente des États-Unis. Une fois encore, la malédiction de la vice-présidence a frappé.
Colistière de Joe Biden depuis 2020, Kamala Harris, 60 ans, avait besoin impérativement de l’emporter dans les swing states (les Etats clés) les plus importants pour faire barrage à Donald Trump et l’emporter. Sauf énorme surprise de dernière minute, ce scénario ne s’est pas réalisé. L’ex-procureure et sénatrice de Californie ne sera donc pas la première femme noire à accéder à la Maison Blanche.
Cet échec, quasi confirmé à l'heure d'écrire ces lignes, est autant une défaite personnelle qu’un raté politique majeur pour le parti démocrate. Impossible en effet de délier l’échec probable de Kamala Harris de l’agonie politique de Joe Biden, incapable de tenir le choc d’une nouvelle candidature, et contraint de se retirer pour raisons de santé le 21 juillet, après son débat télévisé désastreux face à Donald Trump.
Joe Biden ne voulait pas que sa vice-présidente lui succède. Il promettait de «poursuivre le boulot». Tout cela s’est écroulé. Et face aux impératifs de calendrier, Kamala Harris a obtenu une nomination express, sans passer par des primaires formelles. Une faute «démocratique» que ses adversaires n’ont cessé de lui reprocher alors que leur leader, Donald Trump, est justement accusé par ses détracteurs de ne pas être démocrate.
Joe Biden n'est pas le seul coupable
Joe Biden, coupable de l’échec programmé de Kamala? Trop facile. La vice-présidente des États-Unis a raté la marche par faute d’incarner une alternative crédible, séduisante, empathique à Donald Trump.
La preuve? Le vote du Michigan, du Wisconsin et de la Pennsylvanie, ces trois «Swing states» industriels. Trump y est partout en tête. La preuve que le message du parti démocrate, basé sur des liens étroits avec les syndicats, des promesses de subventions, d’un nouveau programme d’infrastructures, d’impôts pour les plus riches et d’aides aux entrepreneurs noirs, n’est pas passé.
Il a manqué à Kamala Harris une promesse qui suscite l’adhésion. Une envie d’avancer ensemble. Utiliser sans cesse le mot avenir dans ses discours n’a pas suffi.
Trump a tapé juste
L’autre grand responsable de la défaite très probable de Kamala Harris est Donald Trump. L’ancien président a compris très vite quel était le point faible de son adversaire. Il avait l’habitude de traiter Joe Biden «d’escroc».
Il n’a cessé de dénoncer le manque d’intelligence de Kamala Harris, et de la désigner à la vindicte de son public comme une sotte. Son discours viril avait une mission: faire passer l’ancienne magistrate pour une défenseure des droits des minorités qui mettent en danger le magistère des chefs de famille, et la famille en général.
La candidate démocrate misait, elle, sur le vote des femmes pour défendre leurs droits, en particulier celui à avorter. Son message s’est heurté à une triste réalité: dans l’Amérique qui souffre, où le niveau d’éducation est faible et les fins de mois difficiles, les épouses sont sans doute moins tentées de prendre politiquement leurs distances avec leurs maris ou compagnons que dans les grandes métropoles.
Diabolisation ratée
La dernière faute de Kamala Harris est d’avoir cru que la diabolisation de Trump, désigné comme fasciste, éloignerait les électeurs. Mais que veut dire fascisme pour un électeur américain moyen? Que signifie le risque d’atteinte à l’Etat de droit alors que beaucoup d’Américains ne s’informent plus que via les réseaux sociaux et adulent Elon Musk, l’allié milliardaire le plus solide de Donald Trump? Kamala Harris espérait gagner un combat politique raisonnable.
Elle en a sous-estimé le caractère déraisonnable et la machine démocrate s’est enrayée. La victoire attendue du Parti républicain au Sénat garantit à Donald Trump une présidence bien plus effective, en particulier sur des sujets majeurs comme les migrants, qu’il désire expulser par la force.
Kamala Harris pensait que les États-Unis n’avaient pas changé et que Donald Trump était un accident. Elle s’est lourdement trompée. Trump incarne bien plus les États-Unis de 2024. Avec toutes les questions que cela pose pour cet avenir qu’elle prétendait à tort incarner.