Jacques Audiard est apparu soulagé dimanche d'en finir avec la promotion d'«Emilia Pérez», à l'issue de la cérémonie des Oscars où son film, plombé par diverses polémiques, n'a récolté que deux Oscars sur 13 nominations. «Je m'en fous franchement», a lâché le réalisateur français lors d'un point presse informel sur un trottoir de Los Angeles. «Franchement ça se termine, c'est bien pour moi. Ça fait huit mois que je suis sur le travail (de promotion), ça suffit.»
Son odyssée musicale sur la transition de genre d'un narcotrafiquant mexicain avait suscité l'enthousiasme à Cannes, où elle avait notamment reçu le prix du jury. Mais l'Académie l'a largement boudée, après le scandale suscité par les anciens tweets racistes et islamophobes de son actrice principale, Karla Sofía Gascón.
Sur 13 nominations – un record pour une production non anglophone –, le long-métrage racheté par Netflix n'a remporté que l'Oscar du meilleur second rôle féminin pour Zoe Saldaña et de la meilleure chanson, pour «El Mal», titre phare où son personnage d'avocate se révolte contre la corruption de la société mexicaine. La statuette du meilleur film international lui a échappé au profit du drame brésilien «Je suis toujours là», sur la résistance d'une mère courage contre l'ex-dictature brésilienne.
Le cinéaste n'a pas voulu s'étendre sur la tempête provoquée par Karla Sofía Gascón, qui s'est excusée sans vraiment convaincre Hollywood, lors d'entretiens accordés sans l'aval de Netflix. «Moi ce que j'aime c'est parler de cinéma, pas parler de ces choses-là, ça m'intéresse pas trop», a expliqué M. Audiard, néanmoins «ravi» par l'Oscar de Zoe Saldaña.
«Ca s'est incroyablement durci»
A 72 ans, le réalisateur prolixe du cinéma français, multi-primé pour des films comme «Dheepan» et «De rouille et d'os», a toutefois mesuré à quel point les campagnes pour les Oscars ont changé, depuis sa dernière nomination en 2010 pour le film du meilleur international avec «Un Prophète». «C'était tout à fait autre chose. (...) Là, ça s'est incroyablement durci avec les réseaux, il n'y a plus de raison, c'est un truc fou», a-t-il estimé.
Outre son actrice principale, le film a également été accusé d'appropriation culturelle dans son pays d'inspiration, le Mexique, où certains lui ont reproché un traitement trop léger des disparitions liées au trafic de drogue. «Je suis vraiment désolé que de nombreux Mexicains se soient sentis offensés. Cela n'a jamais été notre intention. Nous avons parlé avec amour», a rappelé de son côté, Zoe Saldaña, dans les coulisses de la cérémonie après avoir reçu son Oscar. L'actrice a vivement défendu le film. «Le coeur de ce film n'était pas le Mexique. Nous faisions un film sur l'amitié. Nous avons fait un film sur quatre femmes», a-t-elle estimé.
«Ces femmes auraient pu être russes, dominicaines, noires de Détroit, d'Israël ou de Gaza», a-t-elle conclu. Et ces femmes sont toujours des femmes très universelles qui luttent tous les jours, mais qui essaient de survivre à l'oppression systémique et qui essaient de trouver les voix les plus authentiques.»