Des stades bondés
En Afghanistan, les talibans font exécuter quatre hommes en public

Quatre hommes condamnés pour meurtre ont été exécutés vendredi dans des stades remplis de monde en Afghanistan, doublant quasiment en une journée le nombre d'exécutions publiques depuis le retour au pouvoir des talibans en 2021, selon un décompte de l'AFP.
Publié: 11.04.2025 à 09:34 heures
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Dernière mise à jour: 11.04.2025 à 11:54 heures
Les talibans font appliquer la loi du talion. (Image d'illustration)
Photo: keystone-sda.ch
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AFP Agence France-Presse

Jusqu'alors, six hommes avaient été tués par balles dans diverses provinces du pays. Vendredi, quatre l'ont été de nouveau sous les yeux de dizaines de milliers de spectateurs dans trois villes d'Afghanistan. Il s'agit du plus grand nombre d'exécutions en une journée depuis 2021.

Les autorités locales avaient exhorté la veille responsables et citoyens à venir «participer à l'événement» tout en interdisant, comme à l'habitude, tout appareil photo ou portable pour éviter la diffusion d'images.

Deux hommes ont été exécutés devant environ 20'000 personnes rassemblées dans un stade de Qala i Naw, la capitale de la province de Badghis dans le nord-ouest du pays, en vertu du principe islamique de «qisas» ou loi du talion, a annoncé la Cour suprême. Un troisième homme a été exécuté dans la ville de Zaranj, la capitale de la province de Nimroz. Là aussi, l'exécution a eu lieu en public et dans un stade bondé.

Les deux condamnés «ont été assis et nous tournaient le dos», raconte un homme de 48 ans à l'AFP à la sortie du stade. «Des proches de victimes étaient derrière et leur ont tiré dessus avec des pistolets», dit-il encore. «Le premier avait tué trois personnes, le second une», a précisé un porte-parole du gouvernorat.

Tués par les victimes

Les familles des victimes de meurtre avaient été consultées afin de savoir si elles accordaient leur pardon aux condamnés mais elles ont refusé de le faire, a ajouté la Cour suprême. A Qala i Naw, une arme a été remise à un homme de chacune des familles des victimes. Ils ont tiré une demi-douzaine de fois sur les assassins de leurs proches, ont rapporté des témoins à l'AFP.

Les ordres d'exécution ont été signés par le chef suprême des talibans, l'émir Hibatullah Akhundzada, qui vit reclus dans son fief méridional de Kandahar et gouverne le pays par décrets ou instructions, précise le communiqué de la Cour suprême. Des tribunaux de différentes instances avaient examiné au préalable «très minutieusement et à plusieurs reprises» les dossiers, selon la même source.

Une horrible «tradition»

Si les exécutions publiques étaient courantes sous le premier régime taliban, entre 1996 et 2001, celles-ci ont été drastiquement réduites depuis le retour des talibans à Kaboul à l'été 2021. Depuis cette date, six hommes ont été exécutés pour «meurtre»: un en novembre, trois en février 2024, un en juin 2023 et un premier en décembre 2022.

L'une des images les plus choquantes des exécutions menées par le premier régime taliban reste celle de Zarmina, une Afghane en burqa, tuée de plusieurs balles dans la tête devant des milliers de personnes dans un grand stade de Kaboul, en 1999. Elle avait été reconnue coupable d'avoir tué son époux.

Condamnations violentes

Depuis août 2021, les autorités procèdent régulièrement à des flagellations publiques pour d'autres crimes, comme le vol, l'adultère ou la consommation d'alcool.

L'émir Hibatullah Akhundzada avait affirmé en août pour le troisième anniversaire de la prise de Kaboul, que l'application de la loi islamique était «une responsabilité jusqu'à la mort». Peu après, les autorités annonçaient une nouvelle loi de «propagation de la vertu et de la répression du vice» régissant tous les aspects de la vie sociale et privée des Afghans selon une interprétation ultra-rigoriste de la loi islamique. Ce texte de 35 articles ne précise toutefois pas les peines prévues pour chaque infraction, des zones d'ombres jugées inquiétantes par les défenseurs des droits humains.

La dernière exécution en public en Afghanistan avait eu lieu dans un stade du nord du pays en novembre 2024, en présence de plusieurs hauts responsables talibans dont le ministre de l'Intérieur, Sirajuddin Haqqani.

Au niveau mondial, selon un rapport d'Amnesty International publié mardi, «le nombre d'exécutions a atteint en 2024 son plus haut niveau depuis 2015, avec plus de 1500 personnes exécutées par les autorités de 15 pays». La Chine, l'Iran et l'Arabie saoudite sont responsables de la majeure partie de ces exécutions, d'après l'ONG.

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