Le téléphone sonne. Au bout du fil, un jeune homme. Il raconte à l'un de ses amis comment sa vie s'est transformée depuis qu'il est arrivé sur le front en Ukraine, voici deux mois. «Ce n'est pas une guerre, c'est un putain d'enfer! Il n'y a pas de ravitaillement, nous vivons comme des chiens dans des trous.»
La publication de cette conversation téléphonique — parmi d'autres — n'est pas un hasard: c'est le service de renseignement militaire ukrainien qui en est à l'origine. Depuis le début de l'invasion russe, l'instance de Kiev procède à des écoutes, et le compte Twitter Wartranslated traduit régulièrement les conversations.
Des pommes de terre crues
S'il est évident que l'Ukraine procède ainsi à des fins de propagande, le récit du soldat russe est éloquent sur ce qui se passe actuellement au front. La troupe du Russe comptait initialement 240 soldats — ils ne sont plus que 94. Le jeune homme a dû rester deux jours dans la cave d'une maison en ruines, ne s'alimentant que de pommes de terre crues. Le quotidien s'étant transformé en «lutte pour la survie», le soldat s'est résigné à tout faire pour retourner en Russie.
Un autre appel téléphonique intercepté est du même acabit. «C'est sacrément brutal ici», témoigne un soldat à un interlocuteur en Russie. Face à un nombre croissant de victimes tombées au front, le soldat s'inquiète beaucoup pour sa propre vie. L'équipement fait défaut: son unité ne dispose plus que de quelques armes. «Tous nos véhicules sont détruits. Tout ce que l'on peut faire, c'est attendre un ravitaillement». Quand? Personne ne le sait.
Un troisième soldat évoque, toujours au téléphone, une unité récemment formée dans la grande ville russe, Oulianovsk. Dans cette unité, 30 combattants se seraient blessés... avant même d'avoir atteint l'Ukraine. Les raisons? Le gel et des bagarres entre ivrognes.
Nouvelles mobilisations en vue
Dans toutes les conversations interceptées, les soldats demandent à leurs proches en Ukraine quelles sont les dernières nouvelles en Russie. Tous espèrent avoir bientôt le droit de rentrer chez eux. Malheureusement pour ces jeunes hommes, un rapatriement est loin d'être prévu: au contraire, c'est plutôt une énième mobilisation qui se profile.
Les lourdes pertes russes mettent Vladimir Poutine dans l'embarras: les services secrets occidentaux estiment à 100'000 le nombre de soldats russes déjà morts en Ukraine, forçant le président à mobiliser davantage. Le ministre de la Défense, Sergei Shoigu, a confirmé que le nombre de conscrits devait passer de 1,15 million à 1,5 million.
Une femme, à qui un soldat demande des nouvelles de la guerre au téléphone, raconte comment de plus en plus de Russes sont mobilisés. Un homme de son entourage aurait été convoqué pour le service militaire. «Dix jours seulement après une opération», ajoute-t-elle, choquée.