De manière symbolique, l'Ukraine met tout en œuvre pour chasser les Russes. La semaine dernière, l'écusson soviétique visible sur le bouclier de la statue de la Mère Patrie, à Kiev, a été retiré par des ouvriers. Un message clair contre le règne de terreur de Moscou, transmis avec cette statue de 62 mètres de haut.
Il est autrement plus difficile de se débarrasser des troupes russes sur le champ de bataille. Près de deux mois après le lancement de la contre-offensive ukrainienne, les lignes de défense du Kremlin tiennent toujours. Une situation qui amène deux experts de l'École Polytechnique Fédérale de Zurich (EPFZ) à annoncer un sombre pronostic.
Une contre-offensive jusqu'en automne
La Russie continue à attaquer quotidiennement des villes ukrainiennes: dimanche encore, 70 missiles et drones ont été lancés. Alors que la contre-offensive ukrainienne fait du surplace, le tracé du front reste pratiquement inchangé.
«L'Ukraine a réalisé qu'une percée à travers les défenses russes n'est pas possible pour le moment», explique l'expert en stratégie Marcel Breni, étudiant à l'Académie militaire de l'EPFZ. C'est pourquoi elle a rebasculé sur une tactique qui a déjà fait ses preuves: la neutralisation des positions russes en utilisant des armes à distance.
Selon l'expert de l'EPFZ, la zone la plus prometteuse pour l'Ukraine est celle autour de Bakhmout. «Les troupes russes n'y ont pas pénétré aussi profondément que dans le sud. De plus, les troupes présentes dans la région sont plus aguerries au combat.» Malgré tout, Marcel Berni ne croit pas en un succès ukrainien rapide. «La contre-offensive ukrainienne devrait se poursuivre jusqu'à tard en automne», prévoit-il.
Les Russes face à un problème
Ce week-end, des projectiles ukrainiens ont endommagé deux ponts entre la Crimée et la région de Zaporijjia, occupée par la Russie. En conséquence, l'approvisionnement des troupes russes dans le sud du pays est rendu nettement plus compliqué.
Niklas Mahur, expert militaire au Center for Security STudies de l'PEFZ, explique: «L'Ukraine continuera à user de l'artillerie et de la logistique russe, avant d'avancer progressivement. Cette stratégie a déjà fait ses preuves en automne dernier, lors de la reconquête des régions autour de Kharkiv.» Pourtant, les conditions nécessaires pour une telle avancée sont actuellement plus difficiles, entre autres à cause de nouveaux champs de mines ou de l'utilisation accrue d'hélicoptères de combat russes.
L'expert résume: «même en cas de percée ukrainienne réussie, un effondrement des lignes russes semble très irréaliste.»
Des attaques de pirates ukrainiens réussies
Le succès militaire le plus important de l'Ukraine est pour le moment en haute mer. En mer Noire, des drones ont endommagé de manière importante deux navires russes: un navire de guerre au large du port de Novorossiïsk, ville russe, ainsi qu'un pétrolier à l'est de la péninsule de Crimée.
Même si ces attaques n'ont pas d'influence à court terme sur le déroulement de la guerre, leur impact moral est non négligeable. Marcel Berni l'explique bien: «Les annonces du succès sont importantes pour Kiev.»
L'économie russe redémarre
Contre toute attente, sur le plan économique, Vladimir Poutine n'a pas vraiment de soucis à se faire. Le Fonds monétaire international (FMI) estime en effet que l'économie russe connaîtra cette année une croissance de 1,5%. Car les sanctions occidentales contre le régime du Kremlin sont inefficaces, étant donné que la Russie peut vendre son pétrole à des acheteurs asiatiques, orientant ainsi entièrement son industrie vers le matériel de guerre.
Mais selon le think tank américain Institute for the Study of War, l'économie russe se dirige inévitablement vers une impasse: en recrutant des centaines de milliers de jeunes hommes, l'industrie russe sera privée à moyen terme d'une partie importante de sa main-d'œuvre.
Une nouvelle tentative de paix infructueuse
Après Lugano, Londres et Vilnius, c'est au tour de la métropole saoudienne de Djeddah d'organiser une table ronde sur les voies possibles vers la paix en Ukraine. La Chine et divers pays du Sud, jusqu'ici neutres, étaient présents.
La rencontre n'a pas donné beaucoup de résultats. À l'issue des discussions, les Russes ont clairement fait savoir qu'ils n'arrêteraient l'attaque que lorsque l'Ukraine cesserait de se battre et que l'Occident ne fournirait plus d'armes. Ils sont tout aussi obstinés en ce qui concerne l'accord sur les céréales, suspendu depuis fin juillet. Le Kremlin est prêt à laisser dans la misère et la famine des millions de personnes supplémentaires pour continuer son entreprise de guerre.