Plus de 100 jours après l'offensive russe, les conséquences négatives de la guerre dans le monde s'aggravent, tant sur la plan financier et alimentaire qu'énergétique, touchant 1,6 milliard de personnes, a de son côté affirmé le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres.
Les forces de Moscou «contrôlent une grande partie de Severodonetsk. La zone industrielle est encore à nous, il n'y a pas de Russes là-bas. Les combats se déroulent uniquement dans les rues à l'intérieur de la ville», a affirmé sur Telegram Serguiï Gaïdaï, gouverneur de la région de Lougansk, dans l'est de L'Ukraine.
«Les Russes tirent sur tout»
«Les Russes tirent sur tout, ils détruisent toutes les maisons de Severodonetsk, avec des tanks, de l'artillerie. Ils tirent sur la zone industrielle aussi, mais les combats sont en cours, nos gars résistent dans les rues», a-t-il poursuivi.
La ville voisine de Lyssytchansk est, elle, entièrement contrôlée par l'armée ukrainienne mais subit des bombardements «puissants et chaotiques», a encore indiqué Serguïï Gaïdaï, accusant les forces russes de viser «délibérément» les hôpitaux et les centres de distribution d'aide humanitaire. «Ils tirent avec du gros calibre, les destructions sont énormes», a-t-il ajouté.
Plus tôt dans la journée, Serguïï Gaïdaï avait admis que les forces ukrainiennes devraient «peut-être se retirer» de Severodonetsk.
Le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou avait affirmé mardi que les forces de Moscou avaient «totalement libéré» les zones résidentielles de Severodonetsk et contrôlaient désormais «97%» du territoire de cette région de Lougansk.
Depuis la chute le 20 mai du port de Marioupol, sur la mer d'Azov, les Russes concentrent leur offensive sur cette ville qui comptait avant la guerre quelque 100.000 habitants.
Ils veulent prendre le contrôle total du bassin minier du Donbass, déjà partiellement contrôlé par des séparatistes prorusses depuis 2014.
Les forces de Moscou n'ont progressé que lentement jusqu'ici, faisant dire aux analystes occidentaux que l'invasion russe lancée le 24 février a tourné à la guerre d'usure, avec des avancées limitées obtenues au prix de destructions massives et de lourdes pertes.
Si beaucoup de civils ont évacué Severodonetsk et Lyssytchansk, plusieurs milliers y sont restés - des personnes âgées, les gens qui s'occupent d'elles ou ceux qui n'ont pas les moyens de partir ailleurs.
«Tous les jours, il y a des bombardements, tous les jours quelque chose brûle», témoigne Iouri Krassnikov, assis sur un banc, dans un quartier de Lyssytchansk aux nombreux immeubles endommagés et pavillons calcinés, alors que l'artillerie gronde non loin de là.
«Il n'y a personne pour m'aider (...) J'ai essayé d'aller voir les autorités municipales, mais il n'y a personne, tout le monde a déguerpi. Ils ont abandonné la population! (...) Où vais-je aller à 70 ans?», lance ce retraité.
«Défense héroïque»
Face à la pression des troupes de Moscou, les Ukrainiens répètent avoir urgemment besoin d'armes plus puissantes.
La livraison de systèmes de lance-roquettes multiples, d'une portée de quelque 80 km, soit légèrement supérieure aux systèmes russes, a été annoncée par Washington et Londres, mais on ignore quand les Ukrainiens pourront commencer à les utiliser.
«Nous sommes reconnaissants» pour ces annonces, mais «les quantités annoncées sont très faibles, nous avons besoin de beaucoup plus», a martelé mercredi le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kouleba.
Les Ukrainiens se sont jusqu'ici contentés d'armes occidentales de moindre portée. Telles les 22 obusiers M-109, de conception américaine et d'une portée de quelque 20 km, que la Norvège a annoncé mercredi avoir envoyés en Ukraine.
Front agricole
L'autre grande bataille se joue sur le front agricole.
Le blocage des ports ukrainiens par la flotte russe de la mer Noire - à commencer par celui d'Odessa, principal port du pays -, paralyse ses exportations de céréales, notamment de blé, dont elle était avant la guerre en passe de devenir le troisième exportateur mondial.
Les pays africains et moyen-orientaux sont les premiers touchés et craignent de graves crises alimentaires.
Quelque 20 à 25 millions de tonnes sont actuellement bloquées, des quantités qui pourraient tripler d'«ici à l'automne» pour atteindre 75 millions de tonnes, selon le président ukrainien Volodymyr Zelensky.
Alors que Moscou accuse les Occidentaux d'être à l'origine de cette pénurie en raison de leurs sanctions, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a rencontré mercredi son homologue turc Mevlüt Cavusoglu à Ankara pour discuter de «corridors maritimes sécurisés» qui permettraient de reprendre les transports de céréales en mer Noire.
A la demande de l'ONU, la Turquie a proposé son aide pour escorter les convois maritimes depuis les ports ukrainiens, malgré la présence de mines.
Lors d'une conférence de presse après leurs discussions, Sergueï Lavrov a assuré que la Russie était «prête à garantir la sécurité des navires qui quittent les ports ukrainiens (...) en coopération avec nos collègues turcs».
Mevlüt Cavusoglu a estimé de son côté «légitime» la demande de la Russie de lever les sanctions qui frappent indirectement ses exportations agricoles, pour faciliter les exportations ukrainiennes.
Il a cité spécifiquement les exportations «de céréales et d'engrais» russes, qui ne sont pas directement visées par les sanctions occidentales mais sont de fait empêchées par la suspension des échanges bancaires et financiers.
Les deux hommes n'ont cependant annoncé aucun mécanisme concret pour exporter les céréales aujourd'hui bloquées.
«Vague de faim»
Et le ministre ukrainien Dmytro Kouleba a balayé leurs déclarations. La pénurie de céréales est provoquée par «l'agression russe» en Ukraine et non par les sanctions contre Moscou, a-t-il déclaré.
Il a assuré que les discussions russo-turques, auxquelles l'Ukraine n'était pas conviée, avaient un «agenda plus large» que la question des transports de céréales.
Pour lui, la discussion doit se dérouler à l'ONU, et les autres efforts pour résoudre ce problème ne sont bienvenus «qu'à condition qu'ils tiennent compte des intérêts de sécurité de l'Ukraine».
Mais le temps presse. «L'impact de la guerre sur la sécurité alimentaire, l'énergie et les finances est systémique, grave et s'accélère», a insisté le secrétaire général de l'ONU.
«Pour les populations du monde entier, la guerre menace de déclencher une vague sans précédent de faim et de misère, laissant dans son sillage le chaos social et économique», a-t-il averti.
«Il n'y a qu'un seul moyen d'arrêter cette tempête qui se prépare: l'invasion russe de l'Ukraine doit cesser», a martelé Antonio Guterres, en évoquant les négociations en cours sur «un accord global qui permettrait l'exportation sécurisée d'aliments produits en Ukraine par la mer Noire et un accès sans entrave aux marchés mondiaux pour les aliments et les engrais russes».
La hausse des prix touche aussi de plein fouet la Russie.
L'inflation, qui a connu une hausse vertigineuse jusqu'à battre un record de vingt ans, a certes commencé à reculer au mois de mai, atteignant tout de même 17,1% sur un an, selon des données officielles.
Mais l'augmentation des prix des produits alimentaires a, elle, continué d'accélérer, avec une flambée de 21,5% en mai sur un an, notamment pour les produits de base, comme le sucre (+61,4%), les céréales (+36,3%), les pâtes (+29,2%) les fruits et légumes (+26,3%).
La guerre a poussé quelque 6,5 millions d'Ukrainiens à fuir leur pays et fait des milliers de morts: au moins 4.200 civils, selon le dernier bilan de l'ONU, qui estime les chiffres réels «considérablement plus élevés», et des milliers de militaires, même si les belligérants communiquent rarement sur leurs pertes.
(AFP)