Samedi soir, à 19h40, Sebastian Kurz a annoncé sa démission de ses fonctions de chancelier autrichien devant la presse nationale. Il a déclaré vouloir «faire de la place pour éviter le chaos». C’est le ministre des affaires étrangères et membre de son Parti populaire autriciehn (ÖVP), Alexander Schallenberg, qui prend momentanément sa relève.
L’ex-chancelier s’est montré combatif dans son discours: il a annoncé qu’il resterait chef du parti et du groupe parlementaire, a nié toutes les accusations à son encontre et s’en est pris à ses partenaires de la coalition des Verts qui l’avaient lâché.
Des accusations sérieuses
Malgré l’implacabilité de sa décision, ce n’est qu’une fin de carrière temporaire pour le prodige politique qu’est Sebastian Kurz.
Il a sans nul doute pris sa décision à cause des graves accusations rendues publiques à son encontre: la justice le soupçonne d’avoir utilisé l’argent public pour s’assurer une couverture médiatique favorable et il est plus largement soupçonné de corruption.
Abandonné par les Verts
Mercredi, la police avait fait une descente à la Chancellerie fédérale. Vendredi, ses partenaires gouvernementaux chez les Verts lui tournent le dos. Le parti de l’ex-chancelier, l’ÖVP, doit maintenant proposer un successeur «impeccable», a exigé le vice-chancelier des Verts, Werner Kogler.
Selon lui, l'actuel chef du gouvernement n’était «plus apte à exercer ses fonctions». Pourtant, il nie avec véhémence les critiques dont il fait l’objet. Il veut se défendre «avec tous les moyens légaux et démocratiques disponibles dans notre État de droit» contre «toutes ces fausses accusations».
Samedi, la leader des Sociaux-démocrates (SPÖ), Pamela Rendi-Wagner, s’est définitivement mise en jeu pour succéder à l’homme de 35 ans. Elle s’assurerait également des voix du Parti de la liberté (FPÖ), populiste de droite, si nécessaire, a-t-on rapidement dit.
Chaque jour a son lot d’indices
De nouveaux détails ne cessent d’émerger des dossiers d’enquête en cours et dressent un tableau moral du cercle politique le plus proche de l’ex-chancelier. Certains l’appellent même le «système Kurz».
Même si toutes les accusations ne sont pas encore prouvées, elles auraient le mérite de distraire et d’intéresser une partie de la population autrichienne.
Une chose est sûre: en 2017, Sebastian Kurz a repositionné les conservateurs en difficulté dans un tour de force, et a remporté élection après élection avec le «nouveau parti populaire ÖVP».
Deuxième scandale gouvernemental depuis 2019
En matière de politique migratoire, il a fait preuve de fermeté, fermé la route des Balkans et pris des mesures rigoureuses contre l’émergence de l’extrémisme islamiste. Ses détracteurs l’accusent de populisme et de se plier aux exigences des milieux nationalistes.
Quant à ses partisans, ils le félicitent d’avoir affaibli le FPÖ de droite avec cette politique, d’autant plus après le scandale de l’Ibizagate de 2019, qui avait vu son vice-chancelier de l’époque, Heinz-Christian Strache (FPÖ), tomber dans l’oubli. L'actuel leader du parti populiste, Herbert Kickl, et Sebastian Kurz sont encore aujourd’hui à couteaux tirés.
La vie politique autrichienne mouvementée a parfois des allures d’intrigues de cour et ne ressemble pas toujours à un système politique moderne. Est-ce un reste de l’empreinte de l’ancienne monarchie impériale et royale des Habsbourg? Difficile à dire.
L’éditeur dément également les accusations
Après l’Ibizagate, le magnat viennois des médias Wolfgang Fellner avait déclaré au SonntagsBlick en 2019: «Ce que les autres pays ont en termes de théâtre, nous l’avons en termes d’opérette. Nous sommes le pays de l’opérette. Ce qui se passe ici en ce moment est si embarrassant et absurde qu’aucun scénariste ne saurait l’inventer.»
Ironie de l’histoire: en tant qu’éditeur du journal «Österreich», Fellner est lui-même au cœur de l’affaire actuelle parce que c’est dans son journal que Sebastian Kurz aurait utilisé l’argent public pour acheter des sondages en sa faveur. Des accusations que Fellner nie également en bloc.