Découverte surprenante
Les bébés se souviennent plus qu'on ne croit

Une étude publiée dans Science révèle que les bébés forment des souvenirs dès leur plus jeune âge. Les chercheurs ont utilisé l'IRM pour observer l'activité cérébrale des nourrissons.
Publié: 14:49 heures
Les premières années de la vie sont marquées par un apprentissage intense, pourtant les êtres humains n’en gardent généralement aucun souvenir.
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ATS Agence télégraphique suisse

Les premières années de la vie sont une période d'apprentissage intense, mais les êtres humains ne s'en souviennent généralement pas, phénomène connu sous le nom d'amnésie infantile. Cependant, une étude publiée jeudi dans Science montre que les bébés forment bel et bien des souvenirs.

La question reste toutefois de savoir pourquoi ces souvenirs sont difficilement accessibles plus tard dans la vie. «J'ai toujours été fasciné par ce mystérieux trou que nous avons dans notre histoire personnelle», déclare à l'AFP Nick Turk-Browne, professeur de psychologie à Yale et auteur principal de l'étude.

Grâce à l'hippocampe

Vers l'âge d'un an, les enfants sont des apprenants extraordinaires. Ils acquièrent le langage, marchent, reconnaissent les objets, les liens sociaux... «Pourtant, nous ne nous souvenons d'aucune de ces expériences.»

Sigmund Freud, père de la psychanalyse, estimait que les premiers souvenirs sont rendus inaccessibles à la conscience par un mécanisme de refoulement. Mais selon les théories modernes, c'est plutôt l'hippocampe, partie du cerveau essentielle pour la mémoire épisodique et qui n'est pas complètement développée durant la petite enfance, qui est en cause.

Les scientifiques se sont fondés sur des études comportementales antérieures montrant que les bébés, qui ne peuvent pas verbaliser leurs souvenirs, ont tendance à regarder plus longtemps les objets qui leur sont déjà familiers, dont ils se souviennent. Parallèlement, des études récentes sur l'activité cérébrale menées sur des rats ont montré que les engrammes – configuration de cellules qui stockent les souvenirs – se forment chez les jeunes rats mais deviennent inaccessibles avec le temps.

Tétines et peluches

Mais il était impossible jusqu'ici d'observer des bébés, rétifs à rester tranquilles dans un appareil d'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle cérébrale (IRMf), lequel suit le flux sanguin pour voir en quelque sorte l'activité cérébrale. Pour surmonter l'obstacle, l'équipe de Nick Turk-Browne a employé des techniques que son laboratoire a affinées au fil du temps: tétines, animaux en peluche, maintien des bébés avec des oreillers, motifs psychédéliques en arrière-plan pour garder l'attention des enfants.

Les chercheurs ont mené des centaines de sessions pour compenser le fait que nombre d'images étaient floues malgré tout. Au total, 26 bébés, âgés pour moitié de moins d'un an et pour l'autre de plus d'un an, ont pris part à l'expérience consistant à scanner leur cerveau.

Dans un premier temps, des images de visages ou d'objets leur ont été montrées. Plus tard, une image déjà vue leur a été montrée en même temps qu'une nouvelle. «Nous avons mesuré le temps passé à scruter les images connues, et c'est notre étalon pour appréhender leur souvenir de l'image en question», dit le chercheur.

Souvenirs enfouis

En examinant l'activité cérébrale face à un souvenir, les scientifiques ont confirmé que l'hippocampe était actif dans l'encodage de la mémoire dès le plus jeune âge. C'était le cas pour 11 des 13 enfants de plus d'un an mais pas pour ceux âgés de moins d'un an. Ils ont également constaté que les bébés les plus performants en matière de mémorisation présentaient une plus grande activité de l'hippocampe. «Ce que nous pouvons conclure de notre étude c'est que les bébés ont la capacité d'encoder des souvenirs épisodiques dans l'hippocampe à partir d'environ 12 mois», souligne Nick Turk-Browne.

Mais le mystère règne toujours quant au devenir de ces premiers souvenirs. Peut-être ne sont-ils jamais entièrement consolidés dans le stockage à long terme ou peut-être sont-ils présents mais deviennent inaccessibles. Nick Turk-Brown penche pour la seconde hypothèse et dirige une nouvelle étude visant à déterminer si les bébés, les jeunes enfants et les enfants reconnaissent des images vues précédemment.

Les premiers résultats suggèrent que les mémoires persistent peut-être jusqu'à l'âge de trois ans avant de s'estomper. Le chercheur aimerait beaucoup savoir si des fragments pouvaient être réactivés plus tard dans la vie.

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