Dans les couloirs du Vatican
Ces trois cardinaux italiens placent déjà leurs pions pour être pape

Comment fait-on pour imposer son nom aux 135 cardinaux qui voteront en leur âme et conscience lors du conclave à venir? Ces trois cardinaux italiens ont chacun leur méthode. Avec le soutien de l'Esprit Saint.
Publié: 22.04.2025 à 15:04 heures
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Dernière mise à jour: 22.04.2025 à 16:31 heures
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Le cardinal secrétaire d'Etat du Vatican, Pietro Parolin.
Photo: IMAGO/ZUMA Press Wire
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Richard WerlyJournaliste Blick

Ils sont déjà en campagne. Leurs noms circulent. Leurs amis, dans les couloirs du Vatican mais aussi dans les médias, alimentent la rumeur. Ils sont trois «papabili», bien conscients que leur nationalité, qui était autrefois un atout, est peut-être devenue un fardeau. Ces trois cardinaux donnés favoris pour la succession du pape François sont tous italiens (comme quatorze autres membres du collège cardinalice). Tous leurs faits et gestes sont aujourd’hui épiés, scrutés et commentés par les «vaticanistes», ces experts des manœuvres de pouvoir dans les coulisses du Saint-Siège.

Ils ont chacun des atouts sérieux pour prétendre accéder au trône de Saint-Pierre, et prendre les commandes de l’Eglise catholique forte d’un milliard et demi de fidèles à travers le monde.

Trois profils différents

Le premier, Mgr Pietro Parolin, 70 ans, est depuis le décès de François, sur les écrans du monde entier. Secrétaire d’Etat, c’est-à-dire numéro deux du Vatican. Longtemps nonce apostolique, c’est-à-dire ambassadeur du pape, il est depuis octobre 2013 le chef de la diplomatie du Vatican.

Le deuxième, Pierbattista Pizzaballa, 60 ans, est le lien entre l’Eglise catholique des origines et celle d’aujourd’hui. Pourquoi? Parce qu’il est, depuis 2023, patriarche latin de Jérusalem. Il incarne le catholicisme en terre sainte. Il est l’interlocuteur des chrétiens palestiniens auxquels le pape François a toujours apporté son soutien. Il parle chaque jour, comme le faisait François, avec la paroisse de la Sainte-Famille à Gaza, dans l’enclave assiégée et bombardée par l’armée israélienne.

Collecter les votes

Le troisième, Matteo Zuppi, 69 ans, est le cardinal-archevêque de Bologne, l’une des grandes villes universitaires italiennes. Ancien évêque auxiliaire de Rome (Le pape est l’évêque en titre de la ville éternelle), il connaît par cœur les coulisses du Saint-Siège. Il fut, pendant plus de dix ans, l’aumônier de la très influente communauté Sant'Egidio, sorte de diplomatie parallèle du Vatican, spécialisée dans les missions de paix et d’action sociale.

Même s’ils disent évidemment le contraire, ces trois cardinaux sont en campagne. Or comment font-ils? Quels sont leurs canaux d’influence? Avec quels arguments – secrets – peuvent-ils convaincre leurs pairs d’inscrire leur nom, à la main, lors des prochains vote du conclave?

Faire pression sans en avoir l’air

La lecture de la très informée presse italienne donne une idée de leurs stratégies respectives, compliquées par le fait que 108 cardinaux sur les 135 qui pourront voter ont été nommés par le pape François. Ce «collège» qui doit choisir le prochain souverain pontife à la majorité des deux tiers (90 voix au moins) a donc été profondément bouleversé cette dernière décennie.

Pour Pietro Parolin, tout va se jouer en bilatéral. Ce cardinal habitué aux négociations internationales connaît, par définition, toutes les églises de la planète. Il est celui que les cardinaux en visite à Rome s’empressent de visiter. Et pour les observateurs, son offensive a démarré. Avec pour cible les cardinaux des «périphéries»: Asie, Afrique, Amérique latine. Son meilleur allié serait le cardinal Philippin Luis Antonio Tagle, 67 ans, surnommé «Chito» ou «le François asiatique». Ce dernier était aux commandes lors de la dernière tournée asiatique du défunt pape en septembre 2024. 

Mgr Parolin a l’avantage de pouvoir faire des promesses. Il devrait rester en poste au service du nouveau pontificat. Il connaît bien les Etats-Unis, avec lesquels il a négocié la normalisation des relations avec Cuba, sous la présidence Obama. Il est en lien avec l’Eglise officielle chinoise. Son meilleur atout? «Il s’est rendu indispensable pour beaucoup. Il est sans doute le seul à connaître tous les cardinaux», explique-t-on au quotidien catholique français «La Croix».

Jérusalem, l’atout-maître?

Pour Pierbattista Pizzaballa, tout va se jouer lors des congrégations générales qui assurent la gestion des affaires courantes. Son argument massue? L’Eglise est en danger. La meilleure manière de l’incarner est de défendre les lieux saints. Autre point fort: son courage. Le patriarche latin de Jérusalem a proposé de se substituer aux otages israéliens retenus par le Hamas, après l’assaut terroriste du mouvement palestinien, le 7 octobre 2023. Les médias italiens louent son caractère, sa finesse d’analyse, sa capacité à tenir bon dans la tempête. Religieux franciscain, il peut compter sur le soutien des grands ordres comme les franciscains (dix cardinaux électeurs), les jésuites (six cardinaux), et les dominicains (deux). Avantage tactique: il est perçu comme un traditionaliste sur le plan des questions morales et sociétales (célibat des prêtres, homosexuels). De quoi rallier les voix des conservateurs.

Ouverture ou fermeture

Le plus politique est le Cardinal Matteo Zuppi, envoyé du pape François pour la paix en Ukraine. L’Archevêque de Bologne bénéficie du soutien d’une congrégation importante et méconnue: les Salésiens de Don Bosco, qui comptent onze cardinaux. «Don Matteo», comme on le surnomme, est sur le front des pauvres et des migrants. Et il devrait profiter, dit-on, du vote des prélats africains (17 cardinaux, autant que les Italiens). Sa force? Sa réputation d’ouverture aux personnes homosexuelles et, plus généralement, aux évolutions sociétales. Le risque? Sa candidature et celle du cardinal Pizzaballa, opposé sur bien des points, risquent de s’autodétruire…

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