Le géant américain Boeing est parvenu à s'entendre in extremis lundi avec les ayants droit d'une victime du crash d'un 737 MAX 8 de la compagnie Ethiopian Airlines en mars 2019, échappant ainsi à un procès civil fédéral aux Etats-Unis. Trois sources proches du dossier ont indiqué à l'AFP qu'un accord hors tribunal avait été trouvé dans l'après-midi, sans donner de détail supplémentaire.
Un procès devait commencer mardi matin devant un jury populaire à Chicago, dans le nord des Etats-Unis. Il devait à l'origine examiner six plaintes mais, désormais, toutes ont abouti à une entente, selon les informations obtenues ces derniers jours. Une source judiciaire a précisé que l'audience serait maintenue mardi matin, ne serait-ce que pour informer le juge fédéral Jorge Alonso de ces transactions à l'amiable. Il appartient en effet au magistrat d'approuver ou de rejeter ces accords.
Un procès pour «déterminer le montant de l'indemnisation»
Selon une source proche du dossier, la plainte qui a transigé lundi concernait Manisha Nukavarapu. Elle avait été déposée le 17 avril 2019, parmi les premières. Le procès avait simplement vocation à «déterminer le montant de l'indemnisation. Aucun élément sur la responsabilité de Boeing ne (devait) y être présenté», a expliqué une source judiciaire, expliquant que des témoins (famille, amis, collègues, etc) devaient venir parler de la victime et de l'impact de sa disparition sur leur vie. Sollicités par l'AFP, ni les avocats représentant ses proches ni Boeing n'ont commenté.
La plainte, que l'AFP s'est procurée, précise que Manisha Nukavarapu, ressortissante indienne, était en deuxième année d'internat de médecine générale à l'East Tennessee State University. Elle comptait devenir endocrinologue. Célibataire et sans enfant, elle avait embarqué le 10 mars 2019 à bord d'un Boeing 737 MAX 8 effectuant le vol ET302 d'Ethiopian Airlines entre Addis Abeba et Nairobi, pour rendre visite dans la capitale kényane à sa soeur qui venait d'accoucher, selon le document. Mais l'avion, livré en octobre 2018, s'est écrasé au sud-est de la capitale éthiopienne six minutes après le décollage.
Plaintes déposées par des proches de 155 victimes
Plusieurs procès prévus précédemment ont été annulés plus en amont en raison d'accords avant l'ouverture des débats, selon un document judiciaire datant de juin 2023. Il précise que des plaintes ont été déposées au civil par des proches de 155 victimes entre avril 2019 et mars 2021, pour mort injustifiée et négligence, entre autres. Au 22 octobre, il restait «trente plaintes ouvertes concernant 29 personnes décédées», a précisé une autre source proche.
Les plaintes ont été réparties en plusieurs groupes avec, pour chacun, une date de procès sauf accord finalisé d'ici là, ont expliqué plusieurs sources judiciaires. Le prochain est prévu le 7 avril 2025.
Logiciel mis en cause
Boeing «a accepté publiquement et dans les poursuites civiles la responsabilité des crashs du MAX car la conception du (logiciel antidécrochage) MCAS a contribué à ces événements», a relevé un avocat de l'avionneur lors d'une audience en octobre.
Ce logiciel est mis en cause dans l'accident d'Ethiopian mais, aussi, dans celui d'un 737 MAX 8 de la compagnie indonésienne Lion Air - livré en juillet 2018 - qui s'est écrasé en mer le 29 octobre 2018 une dizaine de minutes après son décollage de Jakarta, tuant 189 personnes. Les vols commerciaux de ce modèle ont commencé en mai 2017. Toute la famille des 737 MAX a été clouée au sol pendant plus de vingt mois après ces crashs.
Des milliards de dollars versés
D'après le constructeur, plus de 90% des plaintes civiles liées aux deux accidents ont été résolues. Boeing a versé «plusieurs milliards de dollars», en plus des sommes allouées lors d'une procédure pénale devant un tribunal fédéral du Texas, a relevé son avocat.
Plusieurs dizaines de plaintes civiles ont également été déposées aux Etats-Unis concernant le crash de Lion Air. Une seule est encore ouverte, selon un point d'étape judiciaire publié vendredi.
Volet pénal
Dans le volet pénal, Boeing a signé en janvier 2021 un accord dit de poursuites différées (DPA). Il a été remis en cause après une série de problèmes de qualité de sa production, qui ont culminé avec un incident en vol en janvier 2024 sur un 737 MAX 9 d'Alaska Airlines, qui a fait quelques blessés légers.
Un accord de plaider-coupable avec le ministère de la Justice a été déposé le 24 juillet auprès du tribunal fédéral de Fort Worth. Au 11 novembre, le juge texan n'avait toujours pas rendu sa décision d'approbation ou de rejet.