Le Premier ministre hongrois Viktor Orbán ne cesse de provoquer l’UE avec sa politique favorable à la Russie. Désormais, il joue avec le feu de façon beaucoup plus globale. La raison? Le nouveau programme d’immigration hongrois, qui permet aux travailleurs immigrés de Russie et de Biélorussie de séjourner deux ans dans le pays. Ce délai peut être prolongé de trois ans supplémentaires et conduire à un permis de séjour permanent.
La crainte à Bruxelles est que les espions du Kremlin et les saboteurs utilisent cette porte pour pouvoir entrer dans l’espace Schengen sans frontières de l’Union européenne. La Suisse en fait partie.
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Protéger l’intégrité de Schengen
Le ministre hongrois de l’Intérieur Sándor Pintér a certes affirmé que les demandeurs devaient passer par une procédure d’examen stricte. Mais la commissaire aux affaires intérieures de l’UE, la Suédoise Ylva Johansson, a qualifié cet assouplissement de risque potentiel pour la sécurité. Elle a annoncé des mesures.
Les dirigeants du Parti populaire européen (PPE), le plus grand parti du Parlement européen, demandent que le sujet soit abordé lors du prochain sommet de l’UE. Ils demandent des mesures strictes afin de protéger l’intégrité de l’espace Schengen et d’empêcher que d’autres États ouvrent leurs frontières aux Russes et aux Biélorusses.
Parallèlement à l’ouverture des frontières en direction de la Russie et de la Biélorussie, la Hongrie resserre la vis contre les réfugiés ukrainiens. Ceux qui viennent de régions soi-disant sûres d’Ukraine perdent leur statut de protection et doivent quitter le pays. On ne sait pas combien des quelque 46’000 réfugiés ukrainiens sont concernés. La Hongrie a accueilli nettement moins de réfugiés de guerre que d’autres pays européens.
La Hongrie, éloignée des valeurs de l’UE
L’UE et la Hongrie sont en conflit depuis des années. Lors de l’examen régulier de l’État de droit des États membres, Bruxelles a constaté en Hongrie des infractions dans les quatre piliers que sont le système judiciaire, les mesures contre la corruption, la liberté de la presse et la séparation des pouvoirs. En raison de violations antérieures, l’UE a engagé plusieurs procédures ces dernières années et gelé environ 20 milliards d’euros d’aides européennes.
Ulf Brunnbauer, directeur scientifique de l’Institut Leibniz pour la recherche sur l’Europe de l’Est et du Sud-Est à Regensburg (Allemagne), déclare à Blick: «Au cours des 14 années de son mandat, Orbán a éloigné le pays des valeurs de l’UE. Aujourd’hui, la Hongrie n’aurait aucune chance d’adhérer à l’UE, car ce n’est plus une démocratie qui fonctionne et l’État de droit est mal en point.»
Dans ses discours, Viktor Orbán ne cache pas qu’il considère l’Occident comme voué à la destruction. En revanche, il fait l’éloge du «modèle oriental», c’est-à-dire de la Russie et de la Chine. Il accuse ainsi Bruxelles, et non le Kremlin, de «bellicisme». Ulf Brunnbauer pense que le président hongrois se positionne pour une Amérique sous Donald Trump et un monde dans lequel l’Occident n’existera peut-être plus sous sa forme actuelle.
L’expulsion n’est pas possible
Malgré les divergences, il n’est pas question que l’UE et la Hongrie prennent des chemins différents. Les traités de l’UE ne prévoient pas l’exclusion d’un pays membre. La sanction la plus grave est le retrait des droits de vote. «Une telle procédure est en cours contre la Hongrie. Mais comme l’unanimité est nécessaire pour cela, cela n’arrivera probablement pas», prévoit Ulf Brunnbauer.
Une sortie de l’UE à la propre demande de la Hongrie n’est pas non plus à l’ordre du jour. Les contributions de l’UE sont trop élevées pour être remise en jeu par la Hongrie. Ulf Brunnbauer en est convaincu: «Une sortie serait fatale pour l’économie hongroise qui dépend des exportations.» Pour cela, Viktor Orbán mise sur une autre tactique, selon le spécialiste: «Il cherche suffisamment de personnes partageant ses idées pour transformer l’UE selon ses souhaits.»