Vladimir Poutine a le vent en poupe. Dans l'est de l'Ukraine, ses troupes n'ont cessé de gagner du terrain au cours des dernières semaines. De plus, les bombes lourdes et les missiles contre l'infrastructure énergétique ukrainienne font leur effet. Parallèlement, l'Ukraine obtient de l'Occident l'autorisation d'utiliser des armes de plus en plus destructrices contre les envahisseurs russes.
Les mises en garde contre une Troisième Guerre mondiale se font de plus en plus pressantes. Ainsi, Bruno Kahl, président du service de renseignement allemand, pense que le président russe sera bientôt en mesure d'attaquer des pays de l'OTAN. Mais quelle serait la réaction de l'Occident?
Selon Bruno Kahl, Poutine veut d'abord tester la stabilité de l'OTAN. L'expert ne s'attend donc pas au début à des attaques de grande envergure. Il a cité comme scénario possible une brève attaque sur l'île norvégienne de Svalbard, dans l'Arctique, habitée par de nombreux Russes.
Bientôt prêt
Un autre scénario possible, selon Bruno Kahl, serait une intervention limitée dans les Etats baltes d'Estonie, de Lettonie ou de Lituanie sous prétexte de protéger les fortes minorités russes qui y vivent. Le ministre lituanien des Affaires étrangères Gabrielius Landsbergis a déclaré: «Si l'Ukraine tombe, tout le monde sait que nous sommes les prochains. Poutine ne s'arrêtera pas. Il ne peut pas s'arrêter.» Déjà lors de l'occupation du Donbass ukrainien en 2014, Poutine avait donné comme raison de vouloir sauver les Russes qui y vivaient.
Une éventuelle attaque contre l'OTAN n'aurait pas lieu demain, mais lorsque l'économie de guerre russe aura compensé la perte d'armes causée par le conflit en Ukraine. Selon Bruno Kahl, cela pourrait se produire à la fin de la décennie.
Combien vaut pour l'OTAN la défense d'une île de glace avec une station de recherche, combien vaut la défense d'une région d'un petit Etat situé à la périphérie géographique de l'Alliance? Liviu Horovitz, expert de l'OTAN à la Fondation Science et Politique de Berlin, nous livre son analyse. «L'OTAN défendrait chaque mètre carré de son territoire!» Car si elle permettait que des zones dites moins importantes soient attaquées, il en irait de sa crédibilité. «C'est évidemment ce que Poutine spécule», estime Liviu Horovitz.
Danger des États et des partis favorables au Kremlin
Grâce à la menace russe et à l'adhésion de la Finlande et de la Suède, l'OTAN est certes devenue plus forte et supérieure à l'armée du Kremlin. Mais les développements politiques dans certains États membres sont une source d'inquiétude. Ainsi, la Hongrie et la Turquie se rapprochent de plus en plus du Kremlin. En outre, en Roumanie, un candidat pro-russe s'est qualifié pour le second tour de l'élection présidentielle.
En Europe, les partis favorables au Kremlin comme l'AfD en Allemagne, le FPÖ en Autriche et le Rassemblement national de Marine Le Pen en France ont le vent en poupe. Et ce notamment grâce à des personnes qui maîtrisent les codes des réseaux sociaux et y diffusent de la propagande.
Bruno Kahl explique le contexte dans une interview à l'ARD (groupe médiatique allemand): «L'objectif est de mépriser ceux qui ont des responsabilités au centre de notre société et de renforcer ceux qui agissent en marge, notamment ceux qui se laissent prendre à la propagande de Poutine et sont les bras étendus de sa formation d'opinion ici en Allemagne.»
Trump laisse-t-il tomber l'Europe?
«Il est politiquement inquiétant de voir comment le Kremlin veut attirer certains États dans sa direction», annonce Liviu Horovitz. Même si une sortie de l'OTAN est «extrêmement improbable» pour des pays comme la Hongrie et la Turquie, cette danse sur deux fronts pourrait représenter un risque pour l'OTAN. A ne pas oublier: les informations sur les installations et les stratégies militaires pourraient tomber entre de mauvaises mains.
Que reste-t-il à faire? Liviu Horovitz ne pense pas que le nouveau président américain Donald Trump, comme il l'a déjà menacé, quittera l'OTAN et laissera tomber l'Europe. «Les Américains y ont leur propre intérêt, ne serait-ce qu'en raison de la menace de la Chine ainsi que des relations économiques.» L'Europe doit néanmoins mettre en place sa propre défense. «Plus nous pouvons faire les choses nous-mêmes, moins nous nous rendons vulnérables au chantage.»