Coalition avec Geert Wilders
Il voulait interdire le Coran, et il gouvernera bientôt aux Pays-Bas

Le leader de l'extrême droite néerlandaise Geert Wilders ne sera pas le prochain Premier ministre des Pays-Bas. Mais son parti fera bien partie du nouveau gouvernement. Avec tout ce que cela comporte de risques.
Publié: 16.05.2024 à 18:59 heures
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Dernière mise à jour: 16.05.2024 à 20:05 heures
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Le programme de la future coalition a été annoncé le 15 mai à La Haye.
Photo: DUKAS
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Richard WerlyJournaliste Blick

«Le Coran est un livre fasciste qui incite à la violence. C’est pourquoi ce livre, tout comme 'Mein Kampf' d’Adolf Hitler, doit être interdit. Ce livre incite à la haine et au meurtre et n’a donc pas sa place dans notre ordre juridique néerlandais.» Voici ce que pense Geert Wilders du livre saint de l’Islam, et donc par ricochet des 800'000 Néerlandais de confession musulmane, soit environ 5% de la population des Pays-Bas. 

Or le leader du parti de la liberté (PVV), vainqueur des législatives du 22 novembre 2023 avec 37 sièges de députés sur 150, est désormais assuré d’exercer le pouvoir. Il ne sera pas Premier ministre. Mais sa formation disposera d’une place de choix dans le nouveau gouvernement de coalition composé avec trois autres partis, dont le parti populaire pour la liberté et la démocratie (droite libérale) du Premier ministre sortant Mark Rutte.

Interdire «certaines expressions tirées du Coran»

Geert Wilders enrageait, depuis l’automne, de ne pas parvenir à former un gouvernement néerlandais dans lequel sa formation aurait une place prépondérante. Il avait même, pour faciliter les négociations, pris ses distances avec sa rhétorique anti-Islam, et retiré trois projets de loi, dont un visait à interdire «certaines expressions tirées du Coran». Les deux autres textes législatifs pour l’heure abandonnés visaient à retirer le droit de vote aux binationaux, et à autoriser la détention de suspects de terrorisme sans approbation judiciaire.

En clair: le leader du PVV, connu par sa chevelure blonde peroxydée et ses outrances, avait gagné les élections en promettant de discriminer les étrangers, et de renvoyer tous les clandestins par la force. Il avait aussi préconisé la sortie des Pays-Bas de l’Union européenne dont ils sont l’un des fondateurs. Mais place au réalisme: le prochain gouvernement sera néerlandais, à moitié composé de technocrates et on ne sait pas encore quel rôle jouera Geert Wilders.

Appels à la haine

L’intéressé a plusieurs fois été poursuivi par la justice de son pays pour discrimination religieuse et appels à la haine. Il a notamment été au centre d’une campagne très virulente dans les années 2010, après la sortie de son film de 17 minutes «Fitna» (qui se traduit approximativement par «conflit» en arabe), qui met directement en cause l’islam dans les attentats du 11 septembre, après avoir pris la succession politique de Pim Fortuyn, le leader national populiste assassiné en 2002, peu avant les élections.

Geert Wilders est depuis lors constamment protégé par la police. Il a vu sa cote de popularité exploser de nouveau – après un beau score aux législatives de 2010, puis une accalmie dans les années 2015-2020 – en raison des crimes commis aux Pays-Bas par la «mocro-maffia», les gangs marocains de trafiquants de stupéfiants. Il avait d’ailleurs dû interrompre ses activités politiques en 2017 après avoir été menacé par ces gangsters.

Pourquoi les trois autres partis ont-ils accepté de gouverner avec son parti, alors qu’ils avaient refusé de le faire en 2010? D’abord parce qu’il aurait été très risqué, dans cette période de montée des nationaux populistes, de rejeter Wilders dans l’opposition, avec en vue les élections européennes du 9 juin. Ensuite parce que le premier ministre libéral sortant Mark Rutte avait jeté l’éponge, bloqué au Parlement en 2023 sur la question de l’immigration, et désireux de se lancer dans la course au poste de secrétaire général de l’OTAN, pour laquelle il apparaît favori.

Le Coran et l’Islam, armes politiques

L’élément déclencheur est toutefois Wilders lui-même. Il s’était dit prêt à tenter un gouvernement minoritaire, au risque d’une crise politique qui risquait de provoquer de nouvelles élections et de le renforcer encore plus. Tout en déclarant que son parti et lui étaient prêts à être «fermes mais raisonnables» sur leur politique et que «personne ne devrait douter que je suis pour tous les Néerlandais, chrétiens, musulmans ou non-croyants». Le Coran et l’Islam, qu’il rêve sans doute toujours d’interdire, sont donc restés ses meilleurs arguments politiques, lui assurant une énorme visibilité. Et une popularité sans faille auprès d’une large partie de la population.

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