Depuis une semaine, la mobilisation partielle décrétée par Vladimir Poutine se poursuit en Russie. Certains tentent de quitter le pays. D’autres partent au combat, résignés.
«Beaucoup de gens se sentent impuissants chez nous. Ils disent qu’ils ne veulent pas aller à la guerre, mais que peuvent-ils faire d’autre s’ils reçoivent cet ordre», explique à Blick Tatjana R.*, originaire du nord de la Russie. Certains se résignent et se soumettent à leur destin. Beaucoup ont peur d’aller en prison s’ils refusent de s’engager.
D’autres essaient encore de se convaincre qu’ils font ce qu’il faut. «Quand la patrie appelle, il faut suivre et servir», se disent-ils. «Je me demande d’où vient cette idée qu’ils ont une dette envers leur patrie», affirme Renata A.* à Blick.
Des chants d’adieux de la Seconde Guerre mondiale
Aux points de rassemblement où les hommes font leurs adieux à leur famille avant de monter dans le bus, des chants d’adieux s’élèvent, les mêmes que ceux entonnés pendant la Seconde Guerre mondiale. Le Kremlin tente par tous les moyens d’entretenir l’idée que les Russes font aujourd’hui la même chose que leurs arrière-grands-pères lors de la lutte contre l’Allemagne nazie.
La propagande du Kremlin essaie également de camoufler les conditions déplorables au sein de l’armée russe: sur le champ de bataille, les soldats doivent se débrouiller seuls. Et c’est précisément ce qui peut leur être fatal.
«Ce n’est pas une armée formée»
Le portail indépendant «Meduza» s’est entretenu avec des soldats qui ont déjà participé à la guerre d’Ukraine et qui sont entre-temps rentrés chez eux. Ils estiment que les chances de succès des nouveaux mobilisés sont faibles.
«Ils vont tous mourir là-bas. Ils seront mutilés et tués. Ce n’est pas une armée entraînée!», dénonce un soldat sous contrat. Bien que relativement expérimenté, ce dernier n’était pas non plus préparé. «Le premier jour, j’ai compris que j’avais fait la plus grosse erreur de ma vie», raconte le militaire. À la première occasion, il a quitté son poste et donné sa démission.
Il pense que la mobilisation n’est qu’une tactique pour retarder la guerre jusqu’à l’hiver. Jusqu’au moment où le froid deviendra difficile à supporter en Europe. «Je ne vois pas comment le cours de cette guerre pourrait être modifié. Les pertes seront énormes: si dix fantassins se trouvent actuellement sur un champ, il y aura bientôt 100 hommes sur ce même champ. Sous l’artillerie ukrainienne.»
Espérance de vie moyenne sur le front: trois semaines
Même les soldats professionnels seraient perdus sans le soutien des avions et des chars. «Quand j’étais au front en Ukraine, il n’y avait déjà plus de chars ni d’avions, et l’artillerie ukrainienne nous tirait dessus.»
Ce qui l’inquiète en premier lieu, c’est la sélection des hommes. «Un de mes amis a été mobilisé. Il était marin, a été démobilisé en 2005, puis a travaillé dans des mines! D’autres hommes que je connais bien ont été mobilisés: certains d’entre eux ont été berger toute leur vie. Ils ne savent plus tirer avec une mitraillette!»
L’ancien soldat raconte que l’espérance de vie moyenne sur le front est de trois semaines. Il conseille aux réservistes mobilisés d’aller en prison plutôt que sur le champ de bataille: «On a plus de chances de revenir vivant de la prison.»
Un autre soldat sous contrat est lui aussi convaincu: «Cette mobilisation est la preuve que l’armée est en panne. Et ils recrutent n’importe qui. L’armée des cadres a été détruite pendant ces six premiers mois de guerre – et maintenant, ils mettent en place l’armée de réserve. Ces gars vont mourir en vain.»
*Noms d’emprunt