L'Occident se barricade
Les réservistes russes ne demandent qu'à partir - mais où?

La mobilisation partielle annoncée par Vladimir Poutine a provoqué une vague de désertions des réservistes de l'armée russe qui quittent leur pays. Mais les pays européens voisins les rejettent. Les anciens pays soviétiques sont la solution de repli.
Publié: 25.09.2022 à 06:06 heures
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De longues files d'attente se forment à la frontière russo-finlandaise. Les réservistes russes n'ont qu'une envie: sortir de leur pays.
Photo: AFP
Chiara Schlenz

Après l'annonce par Vladimir Poutine d'une mobilisation partielle immédiate de 300'000 réservistes, les hommes en âge de combattre en Russie prennent leurs jambes à leur cou. Le mot d'ordre est «fuir» - et le plus vite possible, car le temps presse. Au moins trois régions ont déjà annoncé qu'elles fermeraient leurs frontières aux hommes aptes au service militaire.

Les possibilités de fuite sont alors limitées. Quatre des cinq pays de l'UE limitrophes de la Russie ont annoncé en début de semaine qu'ils ne laisseraient plus entrer les Russes avec un visa de tourisme. La Lituanie, la Lettonie, l'Estonie et la République tchèque ont ainsi déclaré qu'elles n'offriraient pas de refuge aux déserteurs. La Finlande veut également durcir drastiquement les conditions d'entrée sur son territoire. Alors, où va-t-on quand on n'est bienvenu nulle part?

Les pays de l'UE se barricade

Les gardes-frontières de la Finlande ont déclaré avoir remarqué un «nombre exceptionnel» de ressortissants russes qui tentent de franchir la frontière en pleine nuit. Après la mobilisation partielle des forces armées annoncée par Poutine mercredi, le nombre d'entrées de citoyens russes en Finlande a doublé. Ainsi, plus de 6000 personnes sont arrivés jeudi dans le pays, contre 3000 la semaine précédente.

La réponse de la Finlande: un durcissement des règles d'entrée pour les Russes. Et le pays n'est pas le seul à prendre des mesures. Le ministre des Affaires étrangères de Lituanie, Gabrielius Landsbergis, a tweeté vendredi: «La Lituanie n'accordera pas l'asile à ceux qui ne font que fuir leurs responsabilités. Les Russes devraient rester et se battre. Contre Poutine.» Le ministre letton des Affaires étrangères Edgars Rinkēvičs souligne de son côté que les fuyards consentiraient par leur acte au massacre des Ukrainiens: «Ils ne veulent simplement pas le faire eux-mêmes.»

Les réservistes se réfugient même en Biélorussie

Puisque l'UE n'est pas une issue, il ne reste donc plus qu'à fuir vers l'est. Comme l'écrit «Welt», selon le site de réservation Aviasales, très apprécié en Russie, tous les vols directs vers les anciennes républiques soviétiques voisines d'Arménie, de Géorgie, d'Azerbaïdjan et du Kazakhstan étaient complets mercredi. Un vol vers Tachkent (Ouzbékistan) par exemple, coûtait 3000 euros pour jeudi soir.

Depuis le début de la guerre, l'Arménie est devenue un important pays d'exil pour les Russes en fuite. Les autorités arméniennes ont enregistré environ 40'000 arrivées en provenance de Russie. Des témoins ont rapporté que les frontières russo-géorgienne et russo-mongole «s'effondraient» sous l'effet d'un trafic écrasant. Certains Russes ont même tenté de franchir la frontière à vélo. Depuis le début de la guerre, la Géorgie a quant à elle enregistré 50'000 réfugiés russes.

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Certains réservistes ont même osé s'enfuir en Biélorussie, pays étroitement allié au Kremlin. Comme l'écrit le journal biélorusse indépendant «Nascha Niwa», les services de sécurité du pays ont toutefois reçu l'ordre de repérer les citoyens russes et de les signaler à Moscou.

Autre itinéraire de fuite possible: via le Kazakhstan vers la Chine. On ne sait cependant pas encore s'il y a des déserteurs qui empruntent le chemin de la Chine ou d'autres pays asiatiques.

L'Allemagne veut accueillir des déserteurs - et la Suisse?

Alors que la Pologne et les états baltes ont drastiquement limité l'entrée des Russes sur leur territoire ces dernières semaines, l'Allemagne s'est déclarée prête jeudi à accueillir les déserteurs. C'est ce que rapporte l'agence de presse AFP. La ministre fédérale de l'Intérieur Nancy Faeser a déclaré: «Celui qui s'oppose courageusement au régime du président Vladimir Poutine et se met donc en grand danger peut demander l'asile en Allemagne pour persécution politique.»

Elle a depuis reçu un flot de critiques, notamment de la part d'Andrij Melnyk, ancien ambassadeur d'Ukraine en Allemagne. Celui-ci accuse les déserteurs russes de soutenir secrètement Poutine. Il a tweeté: «Ce serait une décision catastrophique d'accorder l'asile à des Russes simplement parce qu'après 210 jours de soutien à l'agression contre le peuple ukrainien, ils n'ont soudainement pas envie de se rendre au combat.»

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Comment se positionne la Suisse? A Berne, on se prépare. Ainsi, le PS demande la réintroduction de l'asile dans les ambassades. «La Suisse a tout intérêt à ce que ces hommes ne partent pas à la guerre», souligne le conseiller national PS Fabian Molina. L'UDC, en revanche, s'oppose déjà préventivement à une telle mesure. La Suisse devrait traiter tous les demandeurs d'asile de la même manière, estime le chef de groupe Thomas Aeschi.

Le fait est que jusqu'à présent, peu de réfugiés russes ont pris le chemin de la Suisse. Ainsi, le Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) a enregistré 128 demandes d'asile en provenance de Russie depuis le début de l'année, soit un bon pourcent de toutes les demandes. L'objection de conscience ou la désertion ne suffisent pas pour obtenir l'asile en Suisse. Si une personne fait néanmoins l'objet d'une persécution particulièrement dangereuse dans son pays d'origine, elle peut tout de même être reconnue comme réfugiée. C'est pourquoi chaque cas individuel est examiné de manière approfondie, explique le SEM.

(Adaptation par Lliana Doudot)

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