Actuellement, les régions ukrainiennes de Kherson, Zaporijia, Lougansk et Donetsk ne sont pas entièrement contrôlées par l'armée russe. La Russie a néanmoins annexé ces régions à la fin du mois de septembre 2022. Pour le président Vladimir Poutine, ces villes sont des régions importantes: «Il s'agit de notre pays historique et de notre peuple autochtone.» Près de 19 milliards (en francs suisses) devraient être injectés dans les régions pour les élever au «niveau de l'ensemble de la Russie».
Sur la Russie
Contraints d'accepter le passeport russe
Dans le journal «Der Spiegel», des habitants des régions annexées racontent comment leurs vies ont changé depuis l'occupation russe. Une femme originaire de la ville d'Enerhodar, dans le sud de l'Ukraine, explique que la plupart des gens ont fui. Ce sont surtout les personnes âgées qui sont restées: elles ont donc été contraintes d'accepter le passeport russe. Sans celui-ci, ces habitants ne recevraient ni pension ni prestations sociales. Sans passeport, ils ne pourraient pas non plus accéder à des emplois officiels.
Mais les restrictions ne s'arrêtent pas là: «Si tu n'as pas de passeport russe, aucune ambulance ne viendra te chercher si tu te retrouves allongé dans la rue et que tu es en train de mourir», déclare l'Ukrainienne au journal allemand. L'administrateur du Kremlin Evguéni Balitsky a annoncé à la télévision de l'Etat que seuls les ressortissants russes recevraient un traitement médical dans la région de Zaporijia dès 2024.
«C'est l'asphyxie totale»
La témoin et sa famille ont pu vivre un temps sans passeport, grâce à l'aide de l'Ukraine qui continuait à leur verser un salaire. Ils ont pu le convertir en roubles russes par l'intermédiaire de connaissances. «C'est possible de vivre en dessous du radar des autorités. Mais c'est l'asphyxie totale. Quand nous voyions une patrouille arriver en ville, nous tournions dans la cour intérieure la plus proche et nous nous cachions», se souvient l'Ukrainienne.
Fuir semblait être la seule issue. Mais comme son mari avait refusé de signer un contrat avec un exploitant de centrale nucléaire russe, il a été placé sur liste rouge. La famille a donc été contrainte de rester pendant près d'un an et demi. «Lorsque ses collègues de la liste tentaient de partir, ils étaient arrêtés à la frontière», raconte la jeune femme.
«Nous devions leur faire croire que nous étions en vacances»
C'est pendant l'été que la situation s'est décantée: une connaissance de la famille a affirmé qu'il n'y avait plus de contrôle des listes aux frontières. Le lendemain, la famille était sur le départ. Aux postes de contrôle, la famille a dit aux soldats russes qu'ils partaient en vacances à la mer. «Nous n'avions emporté que des vêtements d'été, aucun autre appareil ménager ou bagage qui pourraient nous trahir. Nous devions leur faire croire que nous étions en vacances», explique l'Ukrainienne. C'est ainsi qu'ils sont parvenus à atteindre la frontière russe.
A la frontière, la famille a affirmé qu'ils allaient rendre visite à des connaissances en Allemagne et qu'ils seraient bientôt de retour. «Nous avons même promis de nous faire établir des passeports russes dès notre retour», se souvient l'Ukrainienne. Finalement, la famille a été autorisée à partir. Ils sont retournés en Ukraine en passant par la Lettonie, la Lituanie, puis la Pologne. Aujourd'hui, la famille vit à Kiev.
Le rattachement à la Russie est «une bénédiction»
Mais tout le monde ne veut pas fuir. Un activiste ukrainien s'est volontairement installé dans la ville occupée de Melitopol pour y maintenir son mouvement de résistance, Yellow Ribbon. Ce jeune homme d'une vingtaine d'années explique au journal allemand qu'il a entre-temps dû opter pour la clandestinité. Les occupants russes réprimeraient sévèrement les activistes. Selon les médias, des Ukrainiens auraient même été enlevés ou maltraités à Melitopol en raison de leur attitude anti-russe.
Mais la résistance ne meurt pas. Selon l'activiste, le mouvement de résistance compte environ 10'000 membres. «Notre mission consiste à influencer psychologiquement les Russes. Nous leur rappelons chaque jour que ce n'est pas leur pays, qu'ils ne peuvent pas s'y sentir en sécurité», explique-t-il.
Une retraitée ukrainienne de la petite ville d'Antrazit, près de Louhansk, voit les choses différemment. Elle déclare au journal que le rattachement à la Russie est «une bénédiction». Les écoles, les routes, les hôpitaux et les systèmes de chauffage ont été remis en état par les Russes. «On a l'impression de vivre comme en Russie, tout est si beau maintenant», dit la retraitée. Elle accepte sans se plaindre que la pension forfaitaire versée par la Russie soit moins importante qu'à l'époque. Elle ne s'élève qu'à 100 euros par mois.