Un réseau sur Telegram suscite l'horreur. Dans des dizaines de groupes de discussion, les membres échangent des informations sur la manière dont ils abusent ou violent des femmes. Ils partagent des photos et des vidéos troublantes et se donnent des conseils. A l'été 2023, le collectif de recherche STRG_F a commencé à infiltrer ce réseau.
Dans ces groupes, il règne une atmosphère de glorification de la violence sexuelle. Les utilisateurs racontent fièrement comment ils droguent et abusent des femmes, souvent présentes dans leur entourage direct, que ce soit leur partenaire, leur cousine, leur mère ou leur sœur.
Certaines agressions semblent même se dérouler en temps réel. Sur une photo montrant une femme inconsciente dont du liquide blanc s'écoule de la bouche, les utilisateurs réagissent avec des emojis en forme de cœur et de flamme. L'un d'eux écrit: «Super travail!» Sous une autre photo, l'expéditeur écrit cyniquement: «Ce n'est pas un viol si elle ne sait pas que c'est arrivé.» Un autre écrit: «Elle est maintenant complètement bourrée et sous somnifères, j'espère que je vais bientôt pouvoir m'amuser un peu...»
Soumission chimique
Il n'y a d'ailleurs pas que les somnifères qui sont utilisés pour endormir les femmes. Les utilisateurs partagent des liens vers leurs anesthésiants préférés et décrivent leurs expériences avec ces produits. STRG_F a pu s'en procurer un, déguisé en sérum capillaire, et l'a fait analyser par Volker Auwärter, un toxicologue de la clinique universitaire de Fribourg-en-Brisgau, en Allemagne.
Plusieurs substances dangereuses ont été détectées:
- De la médétomidine, un anesthésiant pour animaux
- Du flualprazolam, une benzodiazépine de conception
- De la scopolamine, un puissant médicament contre les vomissements
«C'est un niveau de violence encore jamais vu», explique très inquiet Volker Auwärter. Ainsi déguisé, le produit pourrait même passer inaperçu lors d'une perquisition.
Tolérance zéro vis-à-vis des abus
La recherche montre également que même une fois les groupes supprimés, le réseau peut continuer d'exister. De nouveaux liens d'invitation et des groupes qui continuent de se reformer en conservant les contacts permettent de garder la communauté vivante. L'Office fédéral allemand de la police criminelle assure à STRG_F que ce genre groupes criminels sont activement poursuivis – aussi bien sur Internet que dans le monde analogique.
Il existe en outre la possibilité de signaler les groupes concernés à la plateforme. Telegram a fait savoir à la demande du collectif de recherche qu'elle «maintient une politique de tolérance zéro vis-à-vis des abus de sa plateforme. Tous les utilisateurs qui sont pris en flagrant délit sont immédiatement bloqués».
En Allemagne, les agressions sexuelles sur des personnes inconscientes sont punissables. Toutefois, la possession d'enregistrements de tels crimes n'est pas encore explicitement interdite, ce qui suscite de nombreuses critiques. Anja Schmidt, de l'association allemande des femmes juristes, juge la situation « épouvantable» auprès de STRG_F . «Les réglementations dont nous disposons actuellement ne sont tout simplement pas suffisantes.»