Big business, malgré la guerre
Le groupe genevois Trafigura continue d'exporter du pétrole russe par voie maritime

Trafigura serait actuellement le numéro deux mondial de l'exportation de pétrole russe par voie maritime. Respecte-t-elle les sanctions? Les ONG demandent plus de transparence pour les entreprises suisses de matières premières.
Publié: 27.03.2022 à 20:24 heures
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Dernière mise à jour: 27.03.2022 à 20:25 heures
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Trafigura est l'un des plus grands négociants en matières premières au monde. Le groupe est dirigé depuis Genève.
Photo: ZVG
Thomas Schlittler

Trafigura est l'un des plus grands négociants en matières premières au monde. Si le siège juridique de l'entreprise est basé à Singapour, ses opérations sont, elles, dirigées depuis Genève.

Début mars, le groupe a pris publiquement position contre la Russie: «Trafigura condamne de manière inconditionnelle la guerre, la violence en Ukraine et la crise humanitaire qu'elle engendre», pouvait-on lire dans un communiqué de presse.

Plus d'un million de tonnes de pétrole brut russe

Le pétrole russe n'est pas pour autant un tabou pour Trafigura. L'entreprise continue de faire escale dans les ports russes avec ses navires. En collaboration avec la plateforme d'investigation britannique «Source Material», nos collègues de SonntagsBlick ont obtenu des informations selon lesquelles Trafigura a continué à charger plus d'un million de tonnes de pétrole brut en mars, ou a réservé des créneaux pour le faire.

Selon ces informations, Trafigura est actuellement le deuxième exportateur mondial de pétrole brut russe par voie maritime. Seule Litasco, une filiale du groupe pétrolier russe Lukoil, en exporte encore plus. Ces données reposent sur des estimations de négociants qui observent les mouvements dans les principaux ports pétroliers russes.

D'autres groupes de matières premières basés en Suisse, comme Vitol, Glencore et Gunvor, continuent aussi d'expédier du pétrole brut russe, mais moins que Trafigura, selon le suivi des négociants. Nombre d'entre eux ont en outre réduit leur volume de négoce de manière nettement plus importante.

Des contrats conclus avant la guerre

«La plupart des négociants en matières premières réduisent au minimum le commerce avec la Russie», explique Giacomo Luciani, expert en géopolitique de l'énergie et professeur à l'Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID) de Genève. «Les entreprises sont liées par leurs contrats, qui fixent des volumes d'achat minimum et maximum.»

Trafigura n'a pas souhaité s'exprimer sur ses contrats ni sur le volume des échanges de pétrole russe. L'entreprise fait toutefois savoir qu'elle continue à remplir, «en accord avec ses collègues du secteur», les obligations légales qui découlent des accords, limités dans le temps, conclus avant la guerre.

Une surveillance du marché trop laxiste?

Le groupe souligne en outre qu'il prend toutes les dispositions pour se conformer pleinement aux réglementations et sanctions en vigueur. «Nous continuons à travailler avec les clients et les gouvernements pour leur fournir les matières premières et l'énergie dont ils ont besoin sur des marchés de matières premières fortement perturbés», a déclaré une porte-parole.

L'ONG suisse Public Eye y voit malgré tout la preuve que la surveillance suisse du marché des matières premières est trop laxiste. «Nous devons enfin assurer une plus grande transparence dans ce secteur à haut risque», déclare Oliver Classen, porte-parole. Il faudrait en outre s'assurer que les matières premières négociées via Genève ou Zoug ne proviennent pas de zones de conflit ou de pays sanctionnés.

(Adaptation par Alexandre Cudré)

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