Jeudi, Kamala Harris a visité une clinique d'interruption de grossesse dans l'État américain du Minnesota. C'est un fait plutôt remarquable dans la mesure où l'avortement est un sujet sensible aux Etats-Unis.
Pour rappel, en juin 2022, la Cour suprême a décidé de renverser l'arrêt «Roe v. Wade», rendant ainsi possible l'interdiction de l'avortement dans de nombreux États américains. Selon un sondage de la KFF publié la semaine dernière, un électeur américain sur huit indique désormais que l'avortement est le sujet le plus important pour lui lors des élections présidentielles de 2024.
Lutte pour l'avortement
Le fait que Kamala Harris se voit donc confier ce dossier largement délicat est à première vue surprenant. Mais en observant de plus près, il n'est pas si absurde que ce soit Kamala Harris qui sillonne les États-Unis avec une tournée en faveur de l'avortement.
«Nous nous devons d'être une nation qui fait confiance aux femmes», a-t-elle déclaré. Les «attaques contre le droit individuel à prendre des décisions qui concernent son propre corps sont scandaleuses», a ajouté la colistière de Joe Biden pour l'élection présidentielle de novembre, qui mène depuis janvier une tournée nationale consacrée à la défense du droit à l'avortement.
Le bilan de Biden en matière de droits à l'avortement et sa capacité à en parler sont plutôt maigres comparés à ses homologues. Biden, un fervent catholique, a déclaré qu'il ne pensait personnellement «pas grand chose» de l'avortement. Et bien que le président américain ait souligné la menace qui pèse sur la «liberté de reproduction» dans son discours sur l'état de l'Union devant le Congrès la semaine dernière, il n'a pas osé prononcer le mot «avortement». Tout le contraire de Kamala Harris, qui a inscrit en grand la lutte pour «l'accès à l'avortement».
Longueur d'avance sur Gaza
Il en va de même pour un autre thème central de la campagne actuelle: la guerre au Proche-Orient. Là aussi, Biden ne parvient pas à donner à son électorat ce qu'il attend de lui. La situation est si grave que le président américain a perdu un grand nombre de voix lors des élections primaires dans l'État du Michigan, parce qu'il a refusé de cesser son soutien à Israël.
Là aussi, la discrète Kamala Harris prend le relais. Ce week-end, elle s'est exprimée en Alabama. «Les gens ont faim à Gaza. Les conditions sont inhumaines. Et notre humanité commune nous oblige à agir», a lancé la vice-présidente avant d'insister: «Vu l'ampleur incommensurable de la souffrance à Gaza, il doit y avoir un cessez-le-feu immédiat!» Le public a réagi par un tonnerre d'applaudissements. De nombreux Américains, en colère contre Biden pour son alliance avec Israël, ont entendu de Kamala Harris ce qui manquait dans les discours du président.
Quelques jours plus tard, les Etats-Unis décidaient d'envoyer de l'aide à la bande de Gaza. Le discours enflammé de Kamala Harris a-t-il joué un rôle dans cette décision? Aucun moyen de le savoir. Mais quoi qu'il en soit, cela montre que la colistière de Biden sait exactement sur quels thèmes il faut miser. Lors de la conférence sur la sécurité de Munich il y a quelques semaines, Kamala Harris a également convaincu en tant que remplaçant de Biden par d'excellentes performances diplomatiques.
Elle met les bouchées doubles
Pendant longtemps, Kamala Harris semblait se contenter d'un faible second rôle en tant que vice-présidente. Désormais, elle se montre plus souvent et avec plus d'assurance dans la campagne électorale qui s'annonce serrée. Et la population américaine lui en est reconnaissante.
Certes, sa cote de popularité reste assez mauvaise – seuls 39% des Américains sont positifs à son égard – mais Kamala Harris suscite l'enthousiasme des jeunes électeurs noirs et féminins. La députée démocrate Victoria Escobar a notamment déclaré: «Kamala Harris va continuer à développer cet enthousiasme, surtout parmi les groupes démographiques dont nous avons besoin. Nous avons besoin des femmes noires, et celles-ci, tout comme les Latinas et d'autres, l'aiment.»
(Avec l'AFP)