Au Congrès, en meetings...
Cette femme est le cauchemar des 100 jours de Trump

Alexandria Ocasio-Cortez est la femme politique la plus détestée par Donald Trump... après Hillary Clinton. La jeune représentante démocrate de New York se bat sur tous les fronts pour s'opposer aux politiques du président. Depuis 100 jours, elle est son cauchemar.
Publié: 09:08 heures
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Dernière mise à jour: 12:04 heures
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Alexandria Ocasio-Cortez est la représentante du 14e district de l'Etat de New York.
Photo: IMAGO/ZUMA Press Wire
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Richard WerlyJournaliste Blick

Donald Trump l’a plusieurs fois répété: il ne supporte pas Alexandria Ocasio-Cortez. Une détestation partagée, depuis que le président américain s’est installé à la Maison-Blanche le 20 janvier 2025, par tous les responsables de son administration.

Pour faire simple: l’élue démocrate, représentante du 14e district de l’Etat de New York (qui inclut le quartier du Bronx) est le cauchemar de son début de second mandat. Un cauchemar à la fois politique et médiatique, tant les meetings de celle que tout le monde surnomme AOC attirent les foules aux quatre coins des Etats-Unis.

Tous les atouts en main

Pourquoi une telle colère présidentielle contre celle qui, en 2019, a entamé à 29 ans une carrière politique qui fait d’elle aujourd’hui la pasionaria des causes combattues par Donald Trump?

Parce que contrairement aux autres figures de proue du Parti démocrate, Alexandria Ocasio-Cortez a beaucoup d’atouts en main pour incarner l’avenir. Elle est née en 1989, six ans après l’inauguration de la Trump Tower à New York. Son parcours est d’abord celui d’une combattante de terrain, qui a toujours épousé la lutte des minorités.

Avec un argument massue face aux promesses trumpistes de rendre à l’Amérique sa «grandeur», le fameux slogan MAGA: «Toute une génération, qui est en train de devenir l’un des plus grands électorats d’Amérique, est arrivée à l’âge adulte et n’a jamais connu la prospérité américaine. C’est mon cas. Je n’ai jamais vu cela et je n’en ai jamais fait l’expérience dans ma vie d’adulte.» A quoi promettre, en somme, une croissance économique inspirée des années 60 qui ne reviendra jamais plus?

Ce refrain, AOC l’entonne à chacune de ses campagnes électorales – les représentants ont un mandat de deux ans seulement – placées sous l’aune des risques que l’élite oligarchique fait courir selon elle à l’Amérique. «Je suis la mauvaise conscience de ce pays qui a besoin d’ouvrir les yeux», justifiait-elle dans un entretien magazine «Time», qui lui a consacré un long portrait en 2019, pour son trentième anniversaire.

Une contestataire radicale

100 jours et un tremplin politique inespéré. Ces trois mois de pouvoir de Donald Trump ont transformé Alexandria Ocasio-Cortez. Avant la réélection de l’ancien promoteur immobilier new-yorkais, celle-ci était surtout perçue comme une contestataire, une élue des marges radicales du Parti démocrate. Bref, comme l’illustration de la dérive de ce parti incapable de parler encore aux masses populaires de l’Amérique ordinaire.

La preuve? L’octogénaire Joe Biden la tenait à distance. Sa vice-présidente Kamala Harris, d’origine indienne, redoutait sa popularité au sein de l’électorat latino et afro-américain. Or impossible aujourd’hui d’ignorer AOC. Comment tenir à l’écart une politicienne dont le rouge à lèvres est désormais une marque de fabrique pour toutes les jeunes femmes activistes anti-Trump et anti-oligarchie, dont les vidéos sont suivies par des millions de followers?

Ces 100 jours l’ont révélée

Ces cent jours de Trump II l’ont en fait révélée et transformé. Jusque-là, Alexandria Ocasio-Cortez jouait à la perfection son rôle d’égérie radicale, soutenue par la mouvance LGBTQI+. Elle incarnait l’icône du «wokisme», abhorré par les électeurs MAGA. Son public était celui des campus universitaires, des banlieues «bobo» des métropoles, ou des quartiers de New York dominés sans partage par les communautés noires ou hispaniques.

Changement drastique. En douze semaines de trumpisme, AOC a appris à parler aux électeurs démocrates qu’elle jugeait hier «ringards»: ces Américains de la classe moyenne, souvent proches de la retraite ou déjà retraités, qu’un autre élu draine avec elle dans leurs meetings communs: le sénateur indépendant du Vermont Bernie Sanders.

Aux côtés de Bernie

«La révolution réactionnaire trumpiste est en train d'accoucher d’une révolution progressiste parallèle. AOC en est la porte-parole», reconnaissait récemment le «Wall Street Journal», ce quotidien financier déboussolé par les errements de l’administration en matière commerciale. Comme si Donald Trump, Elon Musk et leurs excès avaient soudain transformé la pasionaria des urnes new-yorkaises en défenseure d’une Amérique «mainstream» qui redoute de plus en plus de se retrouver bâillonnée.

L’intéressée, elle, cultive l’ambiguïté. Pas question de rompre avec ses racines radicales, et avec ses discours enflammés qui continuent de faire peur à de nombreux gouverneurs démocrates, conscients des peurs qu’elle suscite chez leurs électeurs centristes. Au sein de ce Parti en quête d’un nouvel avenir – et de candidats crédibles pour remporter les élections de mid-term en novembre 2026 et reconquérir la majorité au Parlement – beaucoup lui reprochent d’ailleurs d’avoir, pour sa carrière personnelle, soutenue jusqu’au bout Joe Biden, afin que Kamala Harris soit désignée… et qu’elle perde le scrutin. Histoire de lui ouvrir la voie...

Un duel new yorkais

Autre critique souvent entendue: son ancrage new-yorkais. Impossible, selon la plupart des observateurs, que l’ex-promoteur Trump, enfant du Queen’s, soit politiquement démoli par cette élue d’origine portoricaine, qui a grandi dans le même Etat, mais dans le comté prospère de Westchester. Trop urbaine. Trop éduquée. Trop sophistiquée. Trop assimilée aux activistes qui se battent contre le réchauffement climatique plutôt que pour la réindustrialisation du pays ou la baisse de l’inflation.

Un syndrome est redoutable: le syndrome Hillary Clinton. Les époux Clinton étaient encore dans l’Arkansas, où Bill était Gouverneur démocrate, lorsqu’elle est née, juste avant la chute du mur de Berlin. Puis ce couple mythique, alors capable d’attirer le vote populaire et de séduire les électeurs afro-américains, s’est transformé en incarnation de l’élite détestée, coupée du peuple. Pour AOC, qui n’a pas encore eu d’enfants malgré les rumeurs récentes sur une possible grossesse, tout l’enjeu est là: passer du discours agressif anti-oligarchie à un discours rassembleur, accompagné par ce qu’il faut de crédibilité économique et de réalisme géopolitique.

Silence sur la Chine

Son silence sur la Chine lui est reproché. Son hostilité aux marchés financiers est un boulet pour des Américains dont la retraite dépend de leur épargne placée en Bourse.

Les cent jours de Trump ont offert à Alexandria Ocasio-Cortez la chance de s’affranchir des clichés qui la condamnaient aux marges démocrates. Ils n’en ont toutefois pas encore fait l’incontournable porte-drapeau d’une opposition à Donald Trump toujours incapable de formaliser une alternative dynamique, attrayante et potentiellement victorieuse.

La vague MAGA n'est pas encore stoppée par la digue AOC.

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